Lettres transformistes. A, w, v, m, e, f, t, s, p, b, r, j, u, l, i, h, d, o, q, c, g, k, x, y, n, z, tel est le nouvel ordre alphabétique imaginé par l'artiste et poète américain Thomas Ockerse. Au fil des pages et des découpes,« a » devient « w », « j » devient « u », « k » devient « x ». Les lettres apparaissent, disparaissent, se métamorphosent en d'autres figures qui forment à leur tour d'autres lettres. Le bon vieil ordre alphabétique ânonné par des générations d'écoliers vole en éclats, à l'exception du « a » qui l'ouvre et du « z » qui le ferme. Outre les prouesses techniques de fabrication, l'album est aussi remarquable par sa grande sobriété, sa typographie, son format carré et son style épuré. Petit ou grand, le lecteur est subjugué par les transformations successives des lettres, par ce « l » et ce « i » qui se lient pour faire un « h ». Dans une postface, la graphiste Marion Bataille livre avec une grande précision les secrets de fabrication : reliure peigne de 10,6 pouces et de dix-neuf trous, ouverture du livre à 270°, séquences, perforations, formes droites, courbes ou mixtes, blanc sur fond noir ou noir sur fond blanc, etc. Conçu en 1964 par Thomas Ockerse alors qu'il était étudiant à Yale, l'album a connu un sort curieux. Le MoMa contacte une première fois l'artiste pour le publier, avant se rétracter pour raisons économiques. Puis le MET propose une publication, mais Ockerse refuse, souhaitant conserver le format de 11x11 pouces. Un petit tirage fut publié en 1969 par Colorcraft-Brussel Publishing. Pour le plus grand plaisir du public français, en 2025, les Éditions des Grandes Personnes rééditent enfin cet album exceptionnel.