Qu'est-ce qui pousse Jean-Michel Mariou, le printemps venu, à quitter les Corbières pour parcourir chaque année des dizaines de milliers de kilomètres, jusqu'au fin fond de l'Andalousie, sur la route des toros ? Sans doute ce "besoin d'Espagne" invoqué dans le titre de ce récit à paraître chez Verdier. Et une certaine horreur du domicile aussi.
Au cours de ce road-movie taurin, on l'accompagne de fêtes de village en visites chez les plus grands éleveurs, on assiste à des rencontres avec les figures du métier comme avec les plus humbles valets d'épée. Cette route-là mène forcément jusqu'à Séville et à ses fameuses arènes, là où cet aficionado assiste au dernier triomphe de Curro Romero, icône fantasque mais ô combien adorée de ses compatriotes. Mariou apprécie cette cité qui vous reçoit avec générosité et candeur, et qui insuffle "une volonté joyeuse d'être ensemble". Il observe les processions de la semaine sainte depuis les meilleurs endroits où se poster pour voir passer chaque confrérie.
Au bout de ce périple, le ton devient plus grave, car "ceux qui ont choisi la route des toros se tiennent plus près que les autres des questions qui brûlent"... Vient alors le dernier tercio - celui de la mise à mort - dans lequel l'auteur évoque Nimeño II, le torero français disparu en 1991, un orphelin pour qui la corrida fut une manière de dépasser sa propre existence mais qui "portait aussi depuis l'enfance une peine grise, que bien peu savaient".
Pas de clichés ni d'anecdotes faciles dans cette authentique quête entamée par "quichottisme radical" et qui se poursuit grâce à "la passion, l'obsession du partage, la fidélité aux amis, le goût d'une certaine fraternité".
"L'hiver, remarque Jean-Michel Mariou, les aficionados sont désemparés." Ils pourront au moins se consoler avec de telles lectures.