Roman/Canada 4 avril Michael Ondaatje

Michael Ondaatje est né en 1943 à Colombo, capitale de l'île qui s'appelait Ceylon (Ceylan), et faisait encore partie de l'Empire britannique. Une Inde en miniature, qui accéda à l'indépendance en 1948 et se rebaptisa Sri Lanka en 1972. Mais, comme son nom l'indique, la famille Ondaatje n'appartient ni à la majorité cinghalaise bouddhiste, ni à la minorité tamoule hindoue. Ce sont des Burghers, descendants des Européens chrétiens qui colonisèrent le pays dès le XVIe siècle, portugais, néerlandais (comme les Ondaatje), puis anglais. Michael et les siens ont quitté Ceylan en 1954, pour l'Angleterre, où il a fait ses études, puis le Canada, où il a fait sa vie, à Toronto, et son œuvre. Laquelle, romans et poèmes, s'inscrit résolument dans la littérature britannique.

Son livre le plus connu ne s'appelle-t-il pas Le patient anglais ? A l'origine, en 1992, le titre était L'homme flambé, lauréat du Booker Prize, mais le succès de son adaptation à l'écran par Anthony Minghella, en 1997, a incité son éditeur français, L'Olivier, à le changer. Ondaatje est un écrivain rare, dont l'un des précédents romans, Le fantôme d'Anil, a obtenu en 2000 le prix Médicis étranger. Sa terre natale est assez peu présente dans son œuvre, et pas du tout dans son nouveau roman, peut-être le plus british de tous.

Nous sommes à Londres, en 1945, juste après la fin de la guerre et du terrible blitz, qui a dévasté le pays mais ne l'a pas fait plier, dans une famille traditionnelle, du moins en apparence. Le père, cadre chez Unilever Asie, la mère, et leurs deux enfants : Rachel, 16 ans, et son cadet de deux ans, Nathaniel, qui, bien plus tard, devenu archiviste, se fera le narrateur de toute cette histoire. On les surnomme Wren et Stitch. Soudain, les parents leur annoncent qu'ils doivent partir pour Singapour, et qu'ils les laissent sous la garde d'amis de confiance. Ce qui n'est déjà pas banal. Et l'on apprendra que si le père a bien rejoint son poste, la mère, elle, est demeurée en Angleterre. Et que, durant la guerre, elle n'avait pas mené la vie d'une ménagère bien tranquille : en fait, elle était un agent redoutable des Services secrets, sous le pseudonyme de Viola. Quant aux enfants, ils ont toujours cru que leurs tuteurs, qu'ils surnommaient Papillon de nuit et le Dard, étaient des voyous, des trafiquants, des bandits. En fait, c'étaient des héros, dont l'un s'est même sacrifié pour leur sauver la vie. Nathaniel retrouvera le Dard, au cours de son exploration de leur passé, mais celui-ci, retiré des affaires, ne lui a pas révélé grand-chose.

C'est à une véritable enquête que s'est livré Stitch, porte-plume de Michael Ondaatje, lequel s'est rendu en Grande-Bretagne, a dépouillé livres et archives, notamment sur leblitz. SesOmbres sur la Tamiseportent bien leur titre : c'est une espèce de roman d'espionnage qui évoque à la fois Conan Doyle (cité page 111), et Blake & Mortimer, compliqué à souhait, truffé d'histoires dans l'histoire, déroutant et, au final, jubilatoire.

Michael Ondaatje
Ombres sur la Tamise - Traduit de l’anglais (Canada) par Lori Saint-Martin et Paul Gagné
l’Olivier
Tirage: 11 000 ex.
Prix: 22,50 euros ; 288 p.
ISBN: 9782823612813

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