Avant-critique Roman

L'immeuble Olabi. Souhaib Ayoub est un jeune homme créatif. Né en 1989 à Tripoli, la grande ville sunnite du nord du Liban, il est réfugié politique en France depuis 2015. Écrivain, dramaturge, acteur, parfaitement bilingue, il a à son actif deux romans, Un homme de satin (2018) et Le loup de la famille (2024), publiés chez Naufal Hachette Antoine, à Beyrouth, en arabe, et une pièce de théâtre, Les rêves qui dévorent la rivière, en français. La problématique centrale de son travail tourne autour du questionnement sur le genre, l'identité queer. C'est un des thèmes sous-jacents du Loup de la famille, porté par une pseudo-intrigue policière parodique. Mais ce que l'on retient de ce roman, c'est son atmosphère glauque, trash, obsédée par la mort, de préférence violente, et sa galerie de personnages, tous déjantés. La plupart vivent dans un vieil immeuble pourri d'un quartier miteux de Tripoli, l'immeuble Olabi, qui pourrait bien devenir le Yacoubian local, toutes proportions gardées. Ou le lieu de tournage d'un remake d'Affreux, sales et méchants.

Le narrateur principal de cette polyphonie s'appelle Hassan, dit « le muet ». Il se présente comme « un loup féroce », et l'on verra que cette épithète est amplement méritée. Né dix ans après la fin de la guerre civile, il est de la famille des al-Sabé, d'anciens bédouins issus de Tcherkesses. Tout gosse, il se sent bien plus proche des femmes de sa famille, sa mère Saadiyé Mohammad, qui a disparu, ou sa grand-mère Chamsé, qui mourra dans des circonstances terribles en 2013. On le maquille, on l'habille en fille. En revanche, il n'a aucun atome crochu avec ses frères, fans de bodybuilding, avec son père, le boulanger Ziad, ni avec les hommes en général, tous décrits comme crasseux, puants, fainéants. Leur sexe, en revanche, l'intéresse pas mal...

Les histoires et les récits s'entremêlent, courant de 1965 à 2013, jusqu'à ce qu'intervienne l'inspecteur Saïd al-Ratel, crado lui aussi, enquêtant sur le meurtre de Chamsé. On n'en révélera pas plus, l'auteur gardant le suspense jusqu'à la toute fin de ce roman original, disruptif, qui nous montre un Liban populaire et musulman qu'on ne lit pas souvent ici.

Souhaib Ayoub
Le loup de la famille
Sindbad
Traduit de l'arabe (Liban) par Stéphanie Dujols
Tirage: 2 500 ex.
Prix: 21,80 € ; 192 p.
ISBN: 9782330213022

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