Ils sont venus, ils sont tous là. D'abord Lone Sloane, le « chien aux yeux rouges », voyageur solitaire, desperado de l'espace. Ses amis Yearl et Vuzz. Le redoutable Shan. Et une théorie de moines fous, de cyber démons, de créatures indéterminées, mi-animales, mi-mécaniques. Huit ans après la tentative par Philippe Druillet lui-même avec Delirius 2, suite, entamée dès 1987 mais interrompue par la mort du scénariste Jacques Lob, de son chef-d'œuvre de 1973 (Delirius, Dargaud, réédité chez Glénat), un nouveau duo ressuscite le héros mythique du créateur du space opéra en BD, âgé de 75 ans.

Depuis l'invention de Lone Sloane en 1966, le monde a changé et avec lui la science-fiction qui, de George Lucas aux dessinateurs des trente dernières années, se sont d'ailleurs largement inspirés de Druillet. Mais, sortant le héros de sa retraite pour lui faire affronter une nouvelle menace, l'Écume, et le chaos qui l'accompagne, Xavier Cazaux-Zago (scénario) et Dimitri Avramoglou (dessin) déploient dans Babel la même démesure. Ils brassent subtilement les obsessions du maître pour les figures mutantes du mal et les ambivalences de personnages qui ne sont jamais tout à fait bons, ni complètement mauvais.

Les techniques de la BD ont aussi changé. Avec des outils numériques, ils produisent un dessin plus rond et plus brillant. Leurs personnages acquièrent un relief plus cinématographique, plus proche aussi de l'univers des jeux vidéo. Lone Sloane y gagne en modernité même s'il s'est éloigné de sa genèse artisanale, du travail d'un artiste qui, fasciné par Delacroix, soignait à l'extrême ses perspectives et le moindre détail de ses planches spectaculaires pour produire un choc esthétique.