« L'homme a moins d'influence sur les oiseaux que sur les quadrupèdes, parce que leur nature est plus éloignée et qu'ils sont moins susceptibles d'attachement et d'obéissance ; les oiseaux que nous appelons domestiques ne sont que prisonniers », note Buffon dans son Histoire naturelle. La gent ailée symbolise la liberté. Aigle majestueux, blanche colombe, noir corbeau, gai pinson... Qu'importe l'épithète, l'important c'est qu'ils volent. Les volatiles qui ne tutoient pas les nuées suscitent chez nous quelque mépris, telle la poule, pauvre chair à rôtissoire... Ou, au contraire, nous interrogent : de quel avantage concurrentiel dame Nature a-t-elle bien pu les doter ? Piqué par cette curiosité toute scientifique, Gus, le protagoniste du Dernier des siens de Sibylle Grimbert, a pour mission de ramener, vif ou mort, au musée d'histoire naturelle de Lille, un spécimen de grand pingouin- l'alque du pôle Nord, à ne pas confondre avec le manchot de l'Antarctique. Baptisé Prosperous, le septentrional palmipède est le vrai héros de l'expédition qui fera de lui le point final de sa race en 1844.Si « Prosp » n'est pas du genre à obéir, Gus est de ceux qui s'attachent. Au fil des pages, l'affection du savant pour l'alcidé grandit. Et l'inquiétude de croître avec, en se doublant d'un cas de conscience : ambition humaine vs bien-être animal. L'autrice, adoptant avec bonheur un ton de fiction victorienne, mêle la fine observation à l'élégante ironie et sait nous fasciner autant que nous attendrir sur cette amitié entre le pingouin et le jeune naturaliste. Et nous faire réfléchir sur notre responsabilité de locataires et gardiens de la Terre.
Le dernier des siens
Anne Carrière
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 19 € ; 192 p.
ISBN: 9782380822571