D'où viens-je ? La question est encore plus prégnante que le « où vais-je ? ». Elle est à l'origine de la philosophie, des angoisses existentielles et de la xénophobie. Car tout dépend évidemment des réponses que l'on donne. Elise Thiébaut n'avait pas d'idée très précise. Elle se savait plutôt « hexagonale » sans savoir ce que cette géométrie française recouvrait. Elle est donc partie de la formule « nos ancêtres les Gaulois » pour en savoir plus sur ses origines. Elle a fait et payé un test génétique via Internet auprès d'un laboratoire américain - car c'est interdit en France - pour en savoir davantage sur sa lignée depuis Homo sapiens. Les résultats, on s'en doute, sont surprenants, mais pas tant que cela si l'on considère la notion de racine comme un maillage de rhizomes remontant aux sources les plus diverses et les plus lointaines. Elle trouve dans ses aïeux des gènes anglais, anatoliens, sardes, celto-ligures, ibéro-celtes, et se sent proche de la révolutionnaire Théroigne de Méricourt.
La commande de ce test d'ancestralité au Genographic Project en 2017 est le prétexte pour l'auteure de Ceci est mon sang (La Découverte, 2017) d'une réflexion sur ses origines, la place des femmes, la colonisation, l'esclavage ou l'écologie. L'ouvrage fonctionne comme les poupées russes. Un sujet en dévoile un autre. La plume s'étiole au gré des interrogations, des nouvelles pistes et des références jusqu'à la catastrophe environnementale tant de fois annoncée.
Cette journaliste qui publie également avec Baudoin un récit illustré sur Les fantômes de l'Internationale (La Ville brûle, 30 août) puise parmi ses proches pour mettre en lumière ses thèmes de prédilections. Sa famille pittoresque, sa mère et ses tantes, son père et ses grands-pères, sont des exemples frappants d'un arbre généalogique français assez biscornu pour devenir intéressant.
Cette recherche généalogique n'est évidemment qu'un subterfuge pour s'interroger sur la notion d'identité et sur les certitudes fournies par l'ADN. Savoir que l'on a des ancêtres syriens et caucasiens peut surprendre. Pas le paléoanthropologue qui connaît la diversité et le buissonnement de l'espèce humaine. Avec son côté cash, Elise Thiébaut n'y va pas par quatre chemins. Au cœur de la controverse identitaire française, elle choisit la ventilation façon puzzle.
Les Gauloises, ce sont d'abord les femmes qui ont compté pour elle, à commencer par sa mère, mais ce sont aussi ces cigarettes qui les ont emportées avec le cancer. L'expression « Français de souche » n'a alors plus de sens sauf à considérer la souche comme un humus, cette terre humble faite de multiples rejets. Son livre original et déroutant a le mérite de mettre les pieds dans le plat, de nommer les choses et de parler vrai. Finalement, on devrait tous se poser les questions qu'elle se pose. On verrait combien les réponses sont aussi surprenantes qu'évidentes.
Mes ancêtres les Gauloises
La Découverte
Tirage: 4 000 EX.
Prix: 19 euros ; 250 P.
ISBN: 9782348037689