Le dessinateur japonais Keiji Nakazawa, auteur du manga autobiographique sur la guerre et la bombe atomique Gen d'Hiroshima (Vertige Graphic), est décédé le 19 décembre d'un cancer à l'âge de 73 ans, ont annoncé le jour de Noël les médias nippons.
Né à Hiroshima le 14 mars 1939, Nakazawa avait 6 ans en août 1945 lorsque les Américains ont largué la première bombe atomique sur cette ville de l'ouest du Japon, faisant quelque 140 000 morts, dont son père, son frère et ses soeurs. Lui fut irradié tout comme sa mère qui décéda une vingtaine d'années plus tard.
Prix Asie de la Critique ACBD en 2007
Dans Gen d'Hiroshima (dont le titre en japonais signifie "Gen aux pieds nus"), un manga bouleversant paru en feuilleton dans le Monthly Shonen Jump au Japon avant d'être publié et traduit dans une vingtaine de langues, Nakazawa raconte comment il a vécu la guerre, la bombe et leurs conséquences. Gen d'Hiroshima avait été la première bande dessinée japonaise traduite en français (collection Autodafé, Les Humanoïdes associés) en 1983. Albin Michel l'avait rééditée en 1900. Vertige Graphic a publié la série en 10 tomes. L'oeuvre a été distinguée par le Prix Asie de la Critique ACBD en 2007.
Notons par ailleurs que les éditions américaine et française sont préfacées par Art Spiegelman. Cette oeuvre est considérée comme un témoignage historique non seulement sur le drame d'Hiroshima mais aussi sur la société japonaise durant et après la guerre. Dans Gen d'Hiroshima, il interroge aussi sur la responsabilité du Japon, montrant comment lui et sa famille étaient persécutés, traités "d'anti-citoyens" parce que son père était opposé à la guerre.
"Les armes atomiques sont effrayantes, je dois absolument faire tout mon possible pour que la Terre en soit débarrassée", insistait-il. Ironie du sort, il décède au moment où un nouveau Premier ministre Shinzo Abe arrive au pouvoir avec l'intention de réarmer le pays et d'y relancer le nucléaire.
Une oeuvre pour la paix
"
Le plus important trésor de l'humanité, c'est la paix", répétait souvent Nakazawa. Et d'insister: "
je voudrais que les jeunes lisent Gen d'Hiroshima et qu'ils réfléchissent à l'horreur de la guerre et de la bombe atomique".
Ce manga, non dénué d'humour malgré la gravité du sujet, a également été adapté au cinéma : une trilogie au Japon réalisée par Tengo Yamada dans la deuxième moitié des années 70 et deux films d'animation dans les années 80.
Nakazawa avait cessé de dessiner en 2009 en raison de l'aggravation de l'état de ses yeux atteints par la cataracte et de complications liées à un diabète. On lui doit aussi J'avais six ans à Hiroshima : le 6 août 1945, 8h15 (épuisé, paru au Cherche Midi). Hélas, le reste de ses oeuvres n'a pas traversé les frontières.
Il était soigné depuis 2010 pour un cancer des poumons. Comme il l'avait déjà fait à la suite de l'accident de Tchernobyl en 1986, Nakazawa s'est aussi révolté en 2011 après la catastrophe atomique de la centrale de Fukushima, dénonçant l'usage de l'énergie nucléaire.