Pour ses vingt ans, la collection "Terre d’Amérique", créée et dirigée chez Albin Michel par Francis Geffard (voir notre portrait, p. 20-21), joue la carte de l’avenir avec Les maraudeurs, qui révèle un jeune auteur, Tom Cooper. Le choix est d’autant plus audacieux que ce premier roman sarcastique est d’une noirceur absolue. Le décor annonce la couleur. La petite ville de Jeanette, en Louisiane, après avoir essuyé les salves de l’ouragan Katrina, affronte une marée noire. Celle-ci imbibe les esprits et entrave la pêche aux crevettes, mais la nature reprend rapidement ses droits. Omniprésente, envahissante, voire suffocante, elle fait régner les grenouilles, les salamandres ou les alligators.
Ce sont néanmoins les humains qui affichent, sans vergogne, leur sauvagerie. Alors qu’une paire de paumés est chargée de nettoyer les oiseaux mazoutés, des jumeaux sèment la terreur pour préserver leur plantation de cannabis. "Un croque-mitaine en cravate et col blanc" tente de convaincre les habitants de ne pas poursuivre la compagnie pétrolière, responsable de la catastrophe. Grimes est grimé en justicier, mais personne n’est dupe. Ces antihéros à la Tarantino se prennent pour des cow-boys à la virilité fracassée. Si ce n’est qu’ils possèdent une touche de sincérité inattendue, digne du trésor caché que s’évertue à trouver Lindquist. "Il avait 45 ans, mais il aurait pu tout aussi bien en avoir cent, tant il s’était abîmé" dans l’alcool et les médicaments. Une façon de palier la perte de l’amour et d’un bras.
Seul Wes, l’ado surgi de nulle part, parvient à l’émouvoir. Il ne cesse d’en vouloir à son père. "Le monde entier suspendu à une décision. Un mot." Non, il n’a pas voulu fuir l’ouragan qui a emporté sa femme. Malgré ce drame, il y a une touche d’espoir chez ce garçon endeuillé. "Les rêves, c’est jamais intéressant pour personne, sauf pour ceux qui les font."Kerenn Elkaïm