"C’est une mesure de justice", déclare fermement Vincent Monadé à propos de la rémunération des auteurs intervenant dans les salons littéraires. En 2014, le président du Centre national du livre (CNL) avait annoncé son intention de conditionner l’attribution de subventions aux salons à cette rémunération. Prévu pour 2015, ce changement de règle a soulevé des questions chez quelques organisateurs qui ne voyaient pas comment s’en sortir. Reporté d’un an, il entrera en vigueur en 2016. "Les manifestations littéraires sont quand même parmi les rares animations dont la ressource première, c’est-à-dire l’auteur, n’est pas rémunérée. Il ne viendrait jamais à l’idée de ne pas rétribuer les artistes dans les festivals de musique", s’indigne Vincent Monadé.
Dès 2016
La première commission Vie littéraire, qui examinera les demandes d’aide en fonction de cette nouvelle règle, se tiendra en février 2016. Les dossiers sont à déposer avant le 27 novembre de cette année. "Ceux qui ne prévoient pas de rémunération des auteurs ne seront pas examinés", prévient le président du CNL. Le périmètre du changement est toutefois limité : "Sur les 99 manifestations littéraires que nous soutenons, 78 rétribuent déjà leurs auteurs. Nous ne faisons qu’acter un mouvement commencé avant nous. Les auteurs se paupérisent, il faut apporter une réponse, nous ne pouvons le faire qu’à cet endroit en ce qui concerne le CNL", explique son président. La Sofia, qui répartit 1,5 million d’aides à quelque 130 événements, applique cette règle depuis longtemps.
Le Festival de BD d’Angoulême, qui reçoit 125 000 euros du CNL, fait partie de ces manifestations ne prévoyant jusqu’à présent aucune rétribution pour les auteurs, tout comme Etonnants voyageurs à Saint-Malo (85 000 euros), Le Marathon des mots (Toulouse, 80 000 euros), Comédie du livre (Montpellier, 22 000 euros) ou encore Lire en poche (Gradignan, 14 000 euros), dont le directeur a manifesté ses inquiétudes pour l’équilibre économique de son salon. "Nous augmenterons notre soutien aux salons pour lesquels cette condition représentera un effort supplémentaire. La Foire de Brive [6-8 novembre], qui s’adapte dès cette année, recevra 7 000 euros supplémentaires, soit 30 000 euros au total. D’autre part, les auteurs en dédicace n’entreront pas dans ce dispositif, de même que les universitaires qui publient dans leur champ de compétence, et sont déjà payés pour ce travail", répond le président du CNL.
Pour les autres auteurs intervenant dans une table ronde, une animation, une lecture sur leur œuvre ou une thématique, le barème sera de 150 euros hors taxes lorsqu’il s’agit d’évoquer un livre tout juste publié, l’intervention comprenant alors une part de promotion, et de 226 à 400 euros (demi-journée à journée) lorsque la participation en est déconnectée et suppose un travail de préparation. Le soutien du CNL ne dépassera pas la moitié des fonds réservés aux auteurs dans le budget des salons.
Faire des choix
En 2014, le CNL a consacré 2,23 millions d’euros aux manifestations littéraires (2,31 millions avec Le Printemps des poètes), soit 9,2 % de son budget d’intervention. L’effort supplémentaire sur ce poste réduira les moyens affectés à d’autres actions, "car le budget du CNL sera à nouveau en baisse", prévoit son président qui revendique de "faire des choix. Un CNL financièrement en pleine forme a le devoir de redistribuer la manne au-delà de ses missions essentielles. Dans le cas contraire, il doit se resserrer sur son cœur de métier, qui est le soutien à la profession et la vie littéraire."
A la limite de ce périmètre, il y a le soutien à la numérisation patrimoniale, à ReLire, au Bief, à l’Adelc, à la Mel, soit environ 10 millions d’euros. "Des arbitrages seront faits avec les ministères des Finances et de la Culture, les deux tutelles du CNL", prévient Vincent Monadé. Mais il attend aussi de ces ministères un rapport sur de nouvelles ressources, promis pour la fin du mois.