Jeunesse

Sabre au clair

Olivier Dion

Sabre au clair

Serrer les rangs et continuer à innover, telle est la posture des éditeurs jeunesse, inquiets pour leur secteur malmené pour la première fois depuis longtemps. Offensifs, ils se sont mis en ordre de bataille pour que les ventes de fin d’année rattrapent une année 2013 médiocre.

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Par Claude Combet
Créé le 22.11.2013 à 11h31 ,
Mis à jour le 09.04.2014 à 17h41

Tout se joue avant les fêtes… Les éditeurs pour la jeunesse, qui n’ont jamais été aussi inquiets, misent en effet sur les ventes de Noël pour rattraper une année 2013 dont les chiffres s’annoncent bien médiocres. Le secteur qui résistait jusque-là vaillamment va-t-il subir à son tour les conséquences de la crise ? Notre baromètre Livres Hebdo/I+C fait état d’une nouvelle baisse de 1 % au troisième trimestre (comme au deuxième trimestre), après un premier trimestre à + 2 %.

Les éditeurs pointent du doigt la crise économique, la faible fréquentation des points de vente, la disparition de Virgin, l’offre réduite de la Fnac et la fermeture d’un certain nombre de librairies Chapitre. «Le marché est très tendu, s’inquiète Hélène Wadowski, directrice de Flammarion Jeunesse-Père Castor. Les mises en place ne sont pas bonnes, certains points de vente prennent les nouveautés en un seul exemplaire. Si les livres n’ont pas de visibilité dès le départ, il ne peut y avoir de réassort. Incapables de se repérer dans les nouveautés, les clients se rabattent sur des licences anciennes.»

«Les mises en place sont à 2 500 au lieu de 3 000 ou 4 000, voire 1 800 pour les albums, ce qui risque de tuer la création, précise de son côté Franck Girard, directeur de Bayard éditions et de Milan. Malgré cela il n’y a pas péril en la demeure - le marché est à - 1 % depuis janvier, - 4 % si on enlève Eragon et Hunger Games - malgré l’inquiétude ressentie par les éditeurs».

Pour Louis Delas, directeur général de L’Ecole des loisirs, «les indépendants s’en sortent mieux, même si on ne peut sous-estimer les difficultés des enseignes et la faible fréquentation des librairies. Il faut soutenir les libraires, travailler les conditions commerciales et les délais de paiement, être en veille et réactifs sur les nouveaux enjeux». «La seule issue, ajoute Marion Jablonski, directrice d’Albin Michel Jeunesse, c’est notre politique éditoriale. Nous devons mieux expliquer nos choix, mieux les valoriser. Surtout en jeunesse, où les livres ne sont pas médiatisés, les libraires sont nos meilleurs défenseurs.»«C’est toute la chaîne du livre qui souffre, souligne Alain Serres. Un libraire dont le chiffre d’affaires baisse ne peut défendre les titres les plus difficiles, alors que c’est sa seule chance d’exister pleinement.» Puisque, en toute logique, «les tirages moins élevés ont des répercussions sur les imprimeurs, les relieurs, le prix de vente du livre, le chiffre d’affaires toujours fragile des petits éditeurs, entre autres», le fondateur de Rue du monde réclame des états généraux de la chaîne du livre et un plan national de promotion de la lecture.

Pourtant, les éditeurs ne veulent pas baisser les bras. «On entre dans un cycle de gestion de la décroissance et de rationalisation. Mais on ne va pas rendre les armes et faire le deuil des années de créativité et de développement», affirme Franck Girard. «La surproduction ne vient pas des éditeurs existants mais des nouveaux entrants, ce qui dilue le nombre d’exemplaires mis en place. Les gens sont sensibles à la nouveauté. Par conséquent, on a beaucoup de mal à maintenir le fonds en place. La situation est préoccupante mais on se doit d’aller de l’avant et nous sommes en ordre de bataille pour 2014», déclare, volontaire, Hedwige Pasquet, présidente de Gallimard Jeunesse. «Pour affronter un marché aussi difficile, nous avons réduit le nombre de nouveautés pour les deux maisons, mais nous proposons des titres à forte valeur ajoutée, de façon à ne pas perdre en chiffre d’affaires», confirme Marion Bordier, éditrice de Fleurus Jeunesse et de Mango Jeunesse.

Combatifs, les éditeurs se sont mobilisés pour tirer parti des fêtes et s’assurer une fin d’année correcte. «Nous sommes inquiets mais il ne faut pas oublier que le chiffre d’affaires se fait en octobre et en novembre», nuance Thierry Magnier, directeur du pôle jeunesse d’Actes Sud, qui veut « continuer à faire de beaux objets». «L’impact du marché global a un effet même sur les secteurs qui souffrent moins», estime Sarah Koegler, directrice de Deux coqs d’or-Gautier-Languereau, qui voit cependant dans la crise des « opportunités de développement et d’accompagnement». «Une période de turbulences est à la fois une source d’interrogation et d’inquiétude mais aussi d’opportunités. Notre indépendance nous permet de préserver la création et la qualité pour la rendre accessible au plus grand nombre. Il faut avoir les moyens de cette politique, être en proximité avec nos partenaires, conserver cette dimension à la fois humaine et artisanale», confirme Louis Delas. «Je ne suis pas fondamentalement inquiet. On ne gagnera pas des parts de marché sur les confrères, on s’en sortira tous ensemble. Notre stratégie est de renforcer notre identité, en conservant notre ligne éditoriale ; de communiquer davantage et de toucher de nouveaux lecteurs grâce à l’aménagement du temps scolaire», acquiesce Alain Serres.

 

Dès 12 mois

 

Tous les segments ne sont pas logés à la même enseigne. L’éveil et la petite enfance se portent bien. «Historiquement la petite enfance tire notre développement et ça continue mais la solution n’est pas uniquement dans les livres à petits prix. On est plutôt dans le haut de gamme avec nos "Contes et comptines à toucher", qui fêtent leurs 10 ans et 1,8 million d’exemplaires vendus, et les imagiers de Xavier Deneux. Cela signifie aussi que le fonds peut exister en petite enfance», commente Christophe Tranchant, directeur éditorial de Milan Jeunesse, qui s’apprête à créer de nouveaux héros, les Yaki-Yaki, avec un illustrateur japonais Yoshikazu Takai. La surprise dans ce domaine est aussi venue des livres-son, qui font un tabac : les éditeurs se sont engouffrés dans la brèche ouverte par Gallimard Jeunesse avec les «Petits imagiers sonores» de Marion Billet. Deux coqs d’or va lancer une nouvelle collection pour les tout-petits, «Un livre-son à toucher». Gründ, qui a enregistré de gros succès avec Mes premières chansons et Mes premières comptines, présente en partenariat avec Assimil des imagiers sonores bilingues (anglais) pour la maternelle. Et décline «Les imagidoux» comme une véritable marque. «Nous allons donner un coup de fouet à la petite enfance», affirme aussi Marion Jablonski, qui a lancé deux collections cet automne (dont les «Méli-mémo») et annonce pour l’an prochain «Les pops», des petits personnages. Flammarion Jeunesse-Père Castor, Actes Sud Junior et Thierry Magnier développeront également le créneau. «On a élargi la tranche d’âge et on descend jusqu’aux plus jeunes, dès 12 mois», précise Hedwige Pasquet, qui annonce en mars un nouveau projet pour les tout-petits. Tandis que Michel Lafon investit l’univers des 3-6 ans avec la licence Paddington, un grand classique de la littérature anglaise.

C’est plus difficile pour les albums. «On sent un tassement sur les titres pointus : un album à 14 euros doit être ultra spectaculaire pour se vendre. Le besoin de rêver, de s’émerveiller et de s’évader demeure. S’ils ne veulent pas priver leurs enfants, les parents sont plus exigeants et plus sélectifs», souligne Sarah Koegler, responsable de Deux coqs d’or-Gautier-Languereau. «Il y a une vraie prime à l’innovation. L’adulte s’enthousiasme et n’hésite pas quand il a un coup de cœur. Nous avons fait des choix risqués cet automne qui peuvent surprendre dans un marché atone avec les albums de Nicolas Francescon ou d’Eric Puybaret, mais nous avons réalisé de bonnes mises en place, ce qui confirme qu’on ne s’est pas trompés», explique Brigitte Leblanc, directrice de projets chez Gautier-Languereau. «Il faut surprendre, aller chercher une forme étonnante et un contenu fou», raconte Marion Bordier, qui développe pop-ups et autres «livres meubles» chez Mango Jeunesse, et qui entend développer le «laboratoire» qu’est la revue Bonbek, rachetée par le groupe. Hélium poursuit avec ses pop-ups spectaculaires comme Le jour, la nuit, tout autour pour les petits. «Notre livre animé sur Paris démarre très bien en librairie. C’est valorisant pour un éditeur de constater que les livres exceptionnels sont remarqués et achetés par des clients qui ont envie d’un très bel objet», souligne Christophe Tranchant, qui se réjouit aussi de la mise en place d’un Alice racontée aux petits, d’après Lewis Carroll, animé pour les plus jeunes. Tandis que Thierry Magnier annonce qu’il a réimprimé le Dictionnaire fou du corps de Katy Couprie, un livre décalé dont le premier tirage de 7 000 exemplaires est épuisé.

Certaines niches comme l’album au format poche à petits prix, la papeterie, les coffrets sont désormais saturées, alors que les activités, les gommettes et coloriages continuent de faire de bonnes ventes, notamment chez Gründ, Mango Jeunesse, Usborne. Là encore, il faut innover comme Gautier-Languereau qui a imaginé un rouleau à colorier… long de deux mètres. «C’est un achat "sèche-pleurs", qui occupe l’enfant et le rend autonome, à un prix peu élevé par rapport au temps que l’enfant y passe», insiste Sarah Koegler, qui ajoute : «En période de crise, les clients pratiquent le cocooning, se recentrent sur le noyau familial et s’occupent des enfants», analyse-t-elle. «Le secteur des activités est plus difficile qu’avant : comme pour la cuisine, nous affrontons la concurrence d’Internet, un flot de pochettes et de kits, mais aussi celle des fabricants de jouets et de jeux comme Gekko, qui a pris des parts de marché», constate pourtant Monique Dejaifve, directrice éditoriale jeunesse de Casterman et d’Autrement.

 

Nuls et débrouillards

 

Le documentaire, comme le reste, doit se démarquer. Nathan, avec Le livre qui t’explique enfin tout sur les parents (35 000 ventes depuis janvier 2012), et Actes Sud Junior avec ses Insectes superstars et La mode sous toutes les coutures, traité comme un numéro de Vogue…, offrent un documentaire d’un autre genre. Tandis que Casterman a développé une niche unique - mais naturelle pour l’éditeur de Tintin -, celle du documentaire en bande dessinée. «On va sur le numérique avec des documentaires un peu différents, des quiz, des univers - car on entre dans le documentaire par l’image. En cela, nous nous appuyons sur l’expertise des jeux Nathan. Mais il ne faut pas s’illusionner : pour les 8-12 ans, on reste sur le livre et les titres prescrits, car l’équipement n’existe pas dans les classes», souligne Marianne Durand, directrice générale de Nathan Jeunesse. Ainsi Nathan a lancé «Les concentrés», une collection ludique de culture générale, avec une application-quiz gratuite pour smartphone, et annonce pour Montreuil un documentaire numérique animé sur Paris et des développements de «Dokéo encyclopédie» (avec leur application). «Il y a une vraie tendance au ludo-documentaire, mêlant documentaire et activités, qui permettent d’expérimenter. Ce fut la bonne surprise de 2013, aussi continuons-nous en 2014», commente Marion Bordier, qui prépare pas moins de neuf collections. «Il y a une nouvelle manière d’aborder le documentaire, plus en proximité, d’abord par l’infographie, ensuite par le témoignage comme la collection "Dans la peau de"», précise-t-elle. En fait, les éditeurs capitalisent sur leur savoir-faire et leur marque. En 2014, Alexandra Bentz, qui dirige le pôle jeunesse Gründ-Livres du dragon d’or, déclinera pour les jeunes la célèbre collection «Pour les nuls» de First, et Albin Michel Jeunesse élabore la nouvelle génération de documentaires avec «Les petits débrouillards», «une référence inégalée en matière d’initiation aux sciences», également disponible en numérique. Tandis que Nathalie Maitenaz redéploiera le documentaire Belin Jeunesse pour les 6-8 ans.

L’âge d’or des ouvrages pour «jeunes adultes» est-il révolu ? Si Nathan s’enorgueillit de succès comme Les filles au chocolat, Merlin ou Nos étoiles contraires (voir meilleures ventes, page 72), le genre accuse une baisse, due sans aucun doute à une saturation. Pour Cécile Terouanne, directrice d’Hachette Romans Jeunesse et éditrice de Twilight : «Le fantastique cède un peu le pas, on nous soumetdavantage de fiction réaliste. Pour "Black moon", fin 2013, nous misons avant tout sur les auteurs français, Caroline Vermalle, Jacques Cassabois et Jean-Luc Marcastel, et sur une littérature engagée.»«C’est un cycle : le segment "jeunes adultes" est en décroissance. Quand on vendait en moyenne 30 000 ou 40 000 exemplaires, on n’en vend plus que 15 000 ou 18 000. Pour que le marché redémarre, il faudrait un nouveau Harry Potter ou un nouvel Eragon, et il est difficile d’imposer une nouvelle série ou de nouveaux auteurs», confirme Elsa Lafon, éditrice jeunesse des éditions Michel Lafon, qui a lancé la nouvelle série d’Alyson Noël, et annonce, entre autres titres, une nouvelle série de Sophie Audouin-Mamikonian, tirée d’une fan-fiction, tout en «conservant une ligne fantastique pour les garçons».

 

Vive l’école !

 

C’est désormais le créneau des plus jeunes, dès 8 ans, qui intéresse les éditeurs comme Cécile Terouanne. «Nous assistons à un ralentissement de la littérature pour les adolescents que personne n’arrive à analyser. Les ados achètent dans les grandes surfaces spécialisées et ne se reportent pas forcément sur la librairie indépendante. Nous avons vécu dix ans d’âge d’or et le marché est moins favorable. Pour l’instant, nous sommes protégés par l’ombre de Rick Riordan, mais nous y réfléchissons, notamment en nous adressant aux plus jeunes avec "Witty"», confirme Marion Jablonski, qui annonce 20 000 ventes pour Mamie gangster de David Walliams. Natacha Derevitsky annonce de son côté des projets forts pour les 8-12 ans chez PKJ, dont la série de novélisations, Les sept merveilles, et Alexandra Bentz des premières lectures chez Gründ.

De fait, les éditeurs regardent du côté de l’école. Avec 69 titres figurant sur la liste de l’Education nationale pour les maternelles (qui en compte 215), «des anciens titres comme des récents», L’Ecole des loisirs s’appuie largement sur la prescription. D’autres développent des collections d’apprentissage de la lecture comme Flammarion Jeunesse, avec la série «Je suis en CP», qui vise aussi la prescription avec un cahier de 32 pages «pour aller plus loin»… dans ses «Castor poche». Tandis que Milan réinterprète les posters éducatifs avec une imagerie tirée de «Mes années pourquoi».

Cependant, les éditeurs, s’ils ont du mal à prévoir le moyen terme, se refusent au pessimisme. «Pour l’instant, nous avons fait une excellente année 2013, mais il nous reste encore un tiers du chiffre d’affaires à réaliser. Notre stratégie pour 2014 est d’enfoncer le clou en éveil et en fiction, tout en lançant un nouveau type de documentaire», note Marianne Durand. D’autres attendent les adaptations cinématographiques. «Les titres adaptés au cinéma retrouvent une grande visibilité : notre meilleure vente en 2013 a été 17 lunes, grâce à son adaptation au cinéma, Sublimes créatures, même si le film n’a pas marché. Nous attendons le deuxième film avec impatience», note Cécile Terouanne. Les autres éditeurs ne sont pas en reste : Actes Sud attend Il était une fois en forêt (13 novembre) ; L’Ecole des loisirs, Loulou, l’incroyable secret (18 décembre) ; Nathan, Divergente (9 avril) ; PKJ, le deuxième Hunger games (27 novembre), La voleuse de livres (5 mars), L’épreuve (Le labyrinthe), d’après James Dashner (avril 2014). Etc.

Quant au numérique, il n’a pas encore bouleversé le secteur et reste l’apanage des adolescents et jeunes adultes. Hachette Jeunesse réalise en numérique 6 % de son chiffre d’affaires grâce à ses best-sellers (Twilight, 17 lunes, Le journal d’un vampire) mais «il faut faire des promotions - le tome 1 d’une série à 2,99 euros pendant le mois de juin, proposer des nouvelles inédites - qui permettent de recruter des lecteurs sur le tome 2 à la fois en numérique et en papier, ou donner de la visibilité à des titres qui n’étaient pas de grosses ventes», précise Cécile Terouanne. «Nous avons fait une offre découverte sur le premier volume d’Eternels à 1,99 euro pendant un mois et nous en avons vendu 3 000. Ça marche quand l’agent nous permet de faire ce genre d’offre limitée dans le temps», confirme Elsa Lafon.

Toujours à l’affût de nouveautés, les éditeurs pour la jeunesse veulent démontrer qu’ils savent encore inventer. Louis Delas annonce un «projet audiovisuel et numérique précurseur» dont il ne veut rien dévoiler. Gallimard Jeunesse et Hachette Romans Jeunesse ont lancé un concours d’écriture cette année afin de recruter de nouveaux auteurs. Aucun ne baisse les bras. «Dans des foires internationales comme Francfort ou Bologne, les Français n’ont pas perdu leur image d’éditeurs dynamiques et innovants. L’édition pour la jeunesse française a toujours des ressources», souligne avec optimisme Nathalie Maitenaz, responsable éditoriale de Belin Jeunesse. Et, en bons petits soldats, tous se sont mobilisés pour célébrer le centenaire de la guerre de 1914.

L’édition jeunesse en chiffres

PKJ, déjà 20 ans

«Depuis Harry Potter, et avec Internet, les jeunes ont changé. La littérature pour la jeunesse en est le reflet : elle est devenue plus riche, plus ambitieuse, plus vaste, constate Natacha Derevitsky, la directrice éditoriale de PKJ (ex-Pocket Jeunesse), qui fêtera en 2014 les 20 ans de la marque d’Univers Poche. Elle prend position contre les manipulations, la téléréalité, la dictature de la beauté… Même le regard qu’on pose sur elle n’est plus le même.» Pour l’éditrice, PKJ a accompagné l’évolution et la maturation de la littérature pour la jeunesse, de ses débuts avec les classiques et des textes illustrés pour les plus jeunes, en passant par les séries comme Danse ou Heartland, jusqu’aux Chroniques de Spiderwick et La guerre des clans, avec ses 1,5 million d’exemplaires vendus.

En vingt ans, PKJ a su élargir sa gamme, s’adressant aux plus petits avec Les p’tites poules (2,3 millions de ventes), comme aux adolescents, avec Hunger games (1,7 million de ventes), abandonnant il y a deux ans le nom de Pocket Jeunesse pour PKJ, destiné à séduire les jeunes adultes. La maison s’est mise aux grands formats tout en continuant de publier des poches (une centaine de titres sur les 140 nouveautés annuelles). Elle s’est aussi ouverte à tous les genres comme le démontre le programme de 2014, que Natacha Derevitsky a voulu éclectique : de la dystopie avec Mystic city de Theo Lawrence, premier volume d’une trilogie (janvier), de l’aventure fantastique avec Les sept merveilles (février), de l’heroic fantasy avec Nashira, nouvelle trilogie de l’Italienne Licia Troisi, l’auteure des Chroniques du monde émergé (mars) ; de la romance avec La malédiction du tigre de Colleen Houck (avril), et un témoignage poignant avec L’enfant de Schindler de Leon Leyson, les Mémoires du plus jeune survivant de la liste de Schindler (mai). PKJ sera aussi présente l’an prochain sur le front des adaptations au cinéma avec L’épreuve (février), La voleuse de livres (mars), le 2e film Mortal instruments (octobre) et le 3e film Hunger games (novembre), et de la télévision avec les novélisations des Cités d’or. Elle joue la carte du poche en reprenant Les filles au chocolat, série parue chez Nathan, et Méto, publié par Syros, et fait un pari sur un gros album, L’improbable histoire de la poire géante de Jakob Martin Strid, un grand classique de la littérature jeunesse scandinave. «On explore sans cesse de nouveaux horizons et on ne s’interdit rien», professe Natacha Derevitsky.

Un Programme pro

Le Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil propose aussi aux professionnels un grand nombre de rendez-vous. Dans le cadre du Mïce (Marché international et interprofessionnel de la création pour enfants), le vendredi 29 novembre est consacré à un cycle de conférences «De la page à l’écran». Il offrira cette année un panorama européen avec des interventions de Peter Schröder (Egmont Kids Media, Suède), d’Isabella Steel (HarperCollins, Royaume-Uni), de Charlotte Bavasso (Nexus, Royaume-Uni), tandis qu’Amélie Rétorré présentera l’expérience Izneo, Chadi Romanos, rédacteur en chef du pôle Web d’Arte, parlera des plateformes numériques, et Cédric Naux, directeur du développement numérique de Bayard, du J’aime lire Store.

Le lundi 2 décembre se déroulera un mini salon numérique, animé par des démonstrations (librairie numérique jeunesse Totam, Tralalère, Kenji, Médiatools, etc.). Le même jour, l’Ecole du livre de jeunesse, en partenariat avec le Centre national du livre, lancera l’appel à projets pour l’attribution de dix bourses d’aide à la création numérique (pôle Théâtre).

Parallèlement, une soixantaine de débats et de rencontres sur le thème «Littérature de jeunesse et questions de société» sont prévus pour la journée professionnelle du lundi 2 décembre. Au gré de chacun des pôles, les visiteurs pourront ainsi s’interroger sur «La littérature pour (re)créer le monde ?» (librairie Afrique du Sud) ; «Les ados, le monde et les autres» (pôle Ados) ; «Tout petit, tu lis, tu crées ?» (pôle Art) ; «Entre patrimoine et contemporain, le bel âge de la littérature pour la jeunesse !», avec notamment une présentation du Dictionnaire du livre de jeunesse (Editions du Cercle de la librairie), une autre de l’ABCdaire illustré de la littérature jeunesse (L’Atelier du poisson soluble), ainsi qu’un débat sur les maisons d’édition qui fêtent leur anniversaire comme Sarbacane, Memo, Motus et PKJ (Pôle BD) ; «Les frontières entre les arts s’estompent» (pôle Cinéma et télévision) ; «Le livre et la lecture, grandes causes nationales» (pôle Numérique) ; «Transmissions et diffusion des savoirs» (salle de rencontre Héros). Sans oublier les rencontres avec les directeurs artistiques et autres master class pour les étudiants en art ou en animation.

Sylvie Vassallo : pour une école certifiante

Photo OLIVIER DION

Au-delà du Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, le CPLJ 93 mène la bataille en faveur de la lecture tout au long de l’année. Sa directrice témoigne.

 

(1) Association départementale pour la promotion des Tsiganes et voyageurs.

Ciel, mon héros !

 

Le 29e Salon du livre et de la presse jeunesse a choisi pour thème les héros. Ces créations (hors achats de licences) représentent souvent le pilier du catalogue d’un éditeur, et se déclinent en livres, dessins animés ou films, voire en applications.

 

Fifi Brindacier - Photo INGRID VANG NYMAN

«Le héros par essence appartient à la littérature de jeunesse : c’est le personnage principal de l’imaginaire qui accompagne l’enfant pendant tout son parcours dans la vie», explique Sylvie Vassallo, directrice du Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil. Pour sa 29e édition, la manifestation a emporté l’adhésion de tous les éditeurs en choisissant le héros pour thème. On en retrouvera treize dans la grande exposition du sous-sol : Ariol (Bayard), Blanko et Noiro (Tonkam), Boris (Thierry Magnier), Coraline (Albin Michel Jeunesse), Fifi Brindacier (Hachette Jeunesse), Loulou (L’Ecole des loisirs), Marjane (L’Association), Max (de Max et les maximonstres, L’Ecole des loisirs), Nini Patalo (Glénat), SamSam (Bayard), Sophie (Hachette Jeunesse), Zazie (Gallimard)… mais on pourrait en citer beaucoup d’autres.

Parfois, ils ne sont pas nés d’hier - Babar a 82 ans, Fifi Brindacier en a 62, Petit Ours Brun 34 -, d’autres sont des jeunots comme Boris (3 ans). Qu’il soit patrimonial ou contemporain, s’il a du succès (tous n’accèdent pas à la notoriété), le héros représente un pilier du catalogue d’un éditeur, et un chiffre d’affaires important. Casterman vend un million de Martine chaque année (qui fêtera ses 60 ans en 2014) tandis que chaque album de Caroline, relancée cette année, s’est vendu à 10 000 exemplaires. Il se décline en séries, par tranches d’âge (des tout-carton Martine, Casterman), en papeterie (Charlie, Gründ), en peluches et… fait aussi le bonheur des cessions de droits.

Le héros constitue aussi un réservoir d’idées pour les producteurs de cinéma et de télévision. Ses adaptations en dessins animés (L’âne Trotro, Bali, Drôles de petites bêtes, Boris avec 26 épisodes qui seront diffusés en décembre sur France 5) ou en films (on attend Les vacances du Petit Nicolas, publié par Imav et Gallimard Jeunesse, pour juillet 2014) contribuent alors à augmenter sa notoriété. A la télé depuis un an, Mini-Loup (Hachette Jeunesse) s’est vendu à 290 000 exemplaires. Ce sont aussi des valeurs sûres pour lancer des applications numériques : T’choupi (Nathan) a été le premier, mais Emilie, Martine, Pénélope (Gallimard Jeunesse) ont les leurs. Et quand son créateur n’est plus là, il est repris, comme les Barbapapa d’Annette Tison (décédée) et Talus Taylor, désormais dessinés par leur fille Alice (Les Livres du dragon d’or). Le héros est immortel.

Meilleures ventes jeunesse : trois surprises

Si les meilleures ventes en fiction jeunesse se concentrent toujours sur les séries et les auteurs reconnus, trois titres «one shot» créent la surprise dans le palmarès Ipsos/Livres Hebdo portant sur la période de janvier à octobre 2013, démontrant que subsiste toujours un espace pour des histoires sensibles ou drôles qui touchent les jeunes lecteurs. Nos étoiles contraires de John Green (Nathan), l’histoire d’Hazel, 16 ans, atteinte d’un cancer, se classe 14e. Le monde de Charlie de Stephen Chbosky (Sarbacane, «Exprim’»), au héros maltraité au lycée, et dont l’adaptation cinématographique, avec Emma Watson, est sortie en janvier, pointe au 25e rang. Et Mamie gangster, l’histoire d’une grand-mère cambrioleuse par un grand maître de l’humour britannique, David Walliams (Albin Michel Jeunesse, «Witty»), apparaît au 29e. Les lectrices ont par ailleurs plébiscité la série Les filles au chocolat, l’histoire d’une famille recomposée contée par la Britannique Cathy Cassidy (Nathan), dont on retrouve les volumes 5 et 4 (28e et 30e).

Héros de l’Olympe de Rick Riordan conserve la tête du palmarès avec son volume 3, tout en figurant aussi au 24e avec le tome précédent. Hunger games de Suzanne Collins, aux trois places suivantes, continue sur sa lancée alors qu’on attend l’adaptation cinématographique du tome 2 le 27 novembre (celle du tome 1 est sortie en 2012).

Le succès des séries ne faiblit pas. Le journal d’un dégonflé de Jeff Kinney est désormais bien installé, avec 5 des 6 titres parus (6e, 10e, 16e, 20e et 23e places). Les héritiers d’Enkidiev (5e et 21e), L’apprenti épouvanteur (7e), La maison de la nuit (8e, 18e), Cherub (9e), 17, 18 et 19 lunes (11e, 13e, 22e), Le journal d’un vampire (12e), L’héritage (27e) et la suite d’Eragon se vendent toujours. La nouvelle série fantastique Merlin, de T. A. Barron, (Nathan) prend la 19e place.

Parmi les éditeurs, Pocket Jeunesse s’impose, comme l’an dernier, comme le leader du genre avec 7 titres placés dans les 50 meilleures ventes. Il est suivi par Seuil Jeunesse (5 titres), Hachette Jeunesse et Nathan (4 titres chacun), Albin Michel Jeunesse (3). Michel Lafon et Bayard Jeunesse inscrivent chacun 2 titres.

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