En littérature comme en littérature graphique, le roman de survie est à la mode. Mais en adaptant Dans la forêt, best-seller de l'Américaine Jean Hegland (Gallmeister, 2017), Lomig s'intéresse peu aux raisons et aux formes de l'apocalypse, qui ramène l'humanité à une sorte d'âge de pierre, comme aux moyens mis en œuvre par les survivants pour reconquérir les savoir-faire primitifs de leurs ancêtres. A la mise en scène de la violence déployée entre eux par des hommes redevenus loups, l'auteur venu du dessin humoristique préfère la quête de l'essence de la vie humaine, de sa capacité à se ressourcer et à se réinventer au contact de la nature.

A l'origine il y a tout de même l'écroulement de la civilisation. Plus d'essence, plus d'électricité. Peu à peu, tout est parti à vau-l'eau. Leur mère décédée d'un cancer, leur père mort à la suite d'une mauvaise manipulation de sa tronçonneuse, Eva et Nelly, 18 et 17 ans, vivent seules dans la maison familiale isolée au cœur de la forêt, à l'écart des cités en désagrégation. L'une est passionnée de lecture, l'autre de danse, une activité difficile à pratiquer sans musique. Entre rêves et souvenirs, elles survivent pendant des mois grâce aux réserves de la maison, bocaux et conserves qu'elles ont soigneusement confectionnés avec leur père.

De son trait fin, qui magnifie une nature onirique aux allures parfois surnaturelles, Lomig donne à voir cet état de latence. Il montre avec délicatesse le détachement progressif des deux jeunes femmes de leur vie d'avant, forcé et néanmoins accepté parce qu'inéluctable. Et en parallèle, leur rapprochement tout aussi inéluctable de la nature, seule susceptible d'assurer leur survie à long terme.