L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur le programme de réédition numérique des livres indisponibles du XXe siècle entraîne la suspension de l’attribution de nouveaux droits d’exploitation des ouvrages concernés, a décidé la Sofia, société de gestion collective chargée de superviser ces attributions. Elle attend la décision du Conseil d’Etat, devant lequel deux auteurs avaient déposé un recours contre ce programme. Le Conseil d’Etat a à son tour sollicité l’avis de la CJUE, qu’il transposera dans son propre arrêt, d’ici trois à six mois.
La CJUE admet l’hypothèse du consentement implicite des auteurs concernés, à la base du programme, mais elle pose une condition : chacun d’entre eux "doit être informé de la future utilisation de son œuvre par un tiers et des moyens mis à sa disposition en vue de l’interdire s’il le souhaite".
Le dispositif actuel ne permet pas d’être certain que les auteurs ont été avertis de la numérisation de leur œuvre : ils doivent interroger le Registre des livres indisponibles en réédition numérique (ReLire). Selon l’arrêt, il faudrait prévoir "un mécanisme garantissant une information effective et individualisée des auteurs". Peu importe ensuite qu’ils répondent : le silence vaudrait consentement.
Si la Cour juge que le programme contrevient en l’état à la réglementation européenne sur le droit d’auteur, elle ne ferme donc pas la porte à un aménagement, considère-t-on à la Sofia. Reste à trouver le moyen de le faire dans des conditions économiquement acceptables. C’est précisément les délais et les frais de recherche des coordonnées de chaque auteur ou ayant droit, et l’impossibilité d’en retrouver une partie qui ont conduit à ce compromis du consentement implicite, inspiré de l’opt out du programme de numérisation de Google à l’origine du projet français. Si une solution est trouvée, sa validation réglementaire passerait par une modification du décret d’application, procédure moins lourde qu’une reprise de la loi du 1er mars 2012 instaurant ce programme.
En revanche, l’exploitation numérique des œuvres indisponibles, déjà accordée aux éditeurs d’origine ou à la société FeniXX (filiale du Cercle de la librairie comme Electre SA, éditrice de Livres Hebdo), se poursuit tant que le Conseil d’Etat n’a pas rendu son avis, indique la Sofia.
Hervé Hugueny