Littérature américaine

Rachel Beanland, «Florence Adler nage pour toujours» (JC Lattès) : Un secret trop bien gardé

Rachel Beanland - Photo © Becca Duval

Rachel Beanland, «Florence Adler nage pour toujours» (JC Lattès) : Un secret trop bien gardé

Premier roman plein d'empathie de Rachel Beanland autour d'une famille juive américaine dans les années 1930, qu'une tragédie précipite dans le secret. Tirage à 8000 exemplaires.

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Par Olivier Mony
Créé le 30.04.2021 à 19h41

Atlantic City, 1934. Une famille américaine. Juive américaine. Très pieuse. Il y a d'abord les parents, Esther et Joseph Adler. Joseph, travailleur acharné, a fait fortune (une fortune relative, il est vrai) dans la boulangerie et ses affaires n'ont pas eu trop à souffrir de la Grande Dépression. Le couple a deux filles. D'abord l'aînée, Fannie, assez mal mariée à un garçon qui ne songe qu'à partir pour rejoindre un jour la Floride et ses fallacieuses promesses de spéculation immobilière. Fannie a elle-même une fille, Gussie, et a récemment perdu un enfant à la naissance. À nouveau enceinte, elle est hospitalisée afin que toutes les précautions soient prises pour qu'un tel drame ne se reproduise pas. Ensuite, il y a Florence, la cadette, aussi brillante et extravertie que sa sœur est timide et souvent sombre. Grande nageuse, Florence s'est promis d'être la première femme juive à traverser la Manche à la nage. Elle s'y entraîne avec passion sous les yeux secrètement énamourés de Stuart, surveillant de plage et fils du propriétaire d'un des plus beaux hôtels de la ville, qui refuse d'endosser l'héritage paternel. Quelques jours ou semaines seulement avant son grand départ vers Douvres, Florence se noie. Dévastée, la famille tout entière se soumet à la décision d'Esther de n'en rien dire à Fannie, de crainte que sa grossesse ne puisse supporter cette tragédie. Tous (et notamment Anna, une jeune réfugiée allemande qui vit sous le toit des Adler) vont s'employer à taire la tragédie mais, le temps passant, les conséquences de ce secret trop partagé vont s'avérer terribles.

Inspiré d'une histoire vraie et familiale, Florence Adler nage pour toujours, premier roman de l'Américaine Rachel Beanland, a connu dans son pays un beau succès tant critique que public. Il serait étonnant que les lecteurs français ne lui réservent pas le même accueil enthousiaste tant la romancière s'y entend pour dresser de chacun de ses personnages (et ils sont pourtant nombreux) un portrait également empathique sans les juger jamais. C'est le mot de Jean Renoir dans La règle du jeu : « Tout le monde a ses raisons... »Beanland fait preuve d'une maturité romanesque étonnante pour ce coup d'essai. Sans recourir à l'excès aux pièges de la psychologie, elle dresse un ample tableau de la beauté parfois complexe des liens familiaux (ainsi qu'une réflexion très juste sur à la fois les obstacles et le refuge que peut constituer, surtout en ces temps troublés, la judéité). Nous non plus nous n'oublierons pas Florence Adler. Elle nage à jamais dans notre mémoire.

Rachel Beanland
Florence Adler nage pour toujours Traduit de l'anglais (États-Unis) par Laurence Kiefé
JC Lattès
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 20,90 € ; 432 p.
ISBN: 9782709666824

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