Roman graphique

R. Kikuo Johnson, "Hawaï solitudes" (Gallimard) : Family life

Hawaï solitudes - Photo © R. Kikuo Johnson-Gallimard

R. Kikuo Johnson, "Hawaï solitudes" (Gallimard) : Family life

Suivant une jeune infirmière, son père, son fils et son frère, l'auteur new-yorkais d'origine hawaïenne R. Kikuo Johnson signe un album implacable sur la solitude. Tirage à 4500 exemplaires.

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Par Fabrice Piault
Créé le 18.03.2022 à 15h00

R. Kikuo Johnson, dont Hawaï solitudes n'est que le deuxième ouvrage publié en France longtemps après Lignes de fuite (Seuil, 2006), annonce la couleur dès le titre de l'album au format à l'italienne. Cela se passe à Hawaï, plus précisément sur l'île de Maui où l'auteur installé à New York est né en 1981, et cela parle, magistralement, de solitudes. De solitudes avec un « s » puisqu'il s'agit des solitudes parallèles et imbriquées de plusieurs personnages.

Ils sont quatre, et même cinq si l'on inclut le chat, naturellement égocentré et plaisamment baptisé Batman. Charlène, une jeune infirmière, mère célibataire, a à la fois la charge de son fils Brandon, 8 ans, et celle de son père, dont la sénilité sape peu à peu l'autonomie. Son frère Robbie, un musicien plutôt nonchalant, débarque à la mort du père, un moment où le fragile équilibre de la petite famille va se mettre à déraper.

Chacun est sur son rail. Le père l'était, que la vieillesse et la maladie avaient renvoyé dans ses cordes. Soutenu matériellement, mais abandonné affectivement, il était à la merci du moindre incident qui le ferait basculer. Mais Charlène n'est pas moins enfermée en elle-même, d'abord par les responsabilités et la charge mentale du foyer, puis, après que la disparition de son père l'a choquée et libérée tout à la fois, lorsqu'elle quitte son travail à l'hôpital pour se relancer à corps perdu dans des études de médecine. Quasiment rien ne l'en distrait, même pas Brandon, totalement livré à lui-même. L'irruption de Robbie, qui manifeste son intérêt pour Brandon et tente de rétablir un semblant de vie familiale, ne serait-ce qu'en fêtant l'anniversaire du petit, pourrait rebattre les cartes. Elle ne fait au contraire que confirmer l'isolement de chacun.

Avec R. Kikuo Johnson, on n'est jamais aussi seul que lorsqu'on est ensemble. Son dispositif graphique aussi classique- un gaufrier presque systématiquement constitué de six cases d'égale dimension- que parfaitement maîtrisé, vient le souligner. Même lorsqu'ils conversent ou interagissent les uns avec les autres, Charlène, Robbie, Brandon ou encore Batman apparaissent le plus souvent chacun seul dans sa case, pour ne pas dire dans sa cellule, ou dans une suite de cases d'où suinte, à travers chacune de leurs actions − une multitude de petits riens qui font le quotidien −, une infinie tristesse.

R. Kikuo Johnson
Hawaï solitudes Traduit de l’anglais (États-Unis) par Fanny Soubiran
Gallimard
Tirage: 4 500 ex.
Prix: 16 € ; 104 p.
ISBN: 9782075166409

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