Édito par Fabrice Piault, rédacteur en chef adjoint

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Le communiqué par lequel le Syndicat de la librairie française a rappelé, mardi 9 septembre, que "les librairies sont ouvertes à tous les lecteurs et à tous les livres", est venu à point. Après un été marqué par la médiatisation mondiale du conflit entre Amazon et les différentes professions du livre, qui a permis de populariser l’enjeu de la préservation d’un réseau riche et diversifié de librairies, le rejet affiché par certaines d’entre elles, largement relayé dans la presse, du livre de Valérie Trierweiler a eu dans le public un effet désastreux. Comment le consommateur enfin sensibilisé à la nécessité de soutenir les librairies de proximité, et désireux d’y acheter le best-seller du moment, peut-il comprendre d’y être accueilli par des commerçants qui se pincent le nez ? Un libraire peut-il vraiment souhaiter qu’un client sorte de chez lui en lui lançant ironiquement "Merci pour ce moment !" ? Et au-delà, le monde du livre peut-il se priver de ces occasions pas si fréquentes d’un contact avec une clientèle peu familière de la librairie, à laquelle il peut espérer transmettre sinon le virus du livre, du moins le réflexe librairie pour ses achats occasionnels ?

Au moins cette controverse - accompagnée d’une autre, symétrique, sur les difficultés malheureusement rencontrées par de nombreux libraires pour se procurer le livre de l’ex-première dame - permet-elle de se réinterroger sur le rôle de la librairie. Le débat n’est pas tant juridique - notre chroniqueur Emmanuel Pierrat rappelait il y a deux ans sur Livreshebdo.fr qu’aujourd’hui "une vente se refuse", notamment si le livre n’est pas en stock. Il n’est pas non plus vraiment éthique - au fond, plus l’identité d’une librairie est forte, plus ses choix sont clairs et son assortiment lisible, mieux elle peut répondre ou non, sans dommage, à une demande qu’elle jugera "hétérodoxe". Il est d’abord stratégique. Aujourd’hui, comme le souligne dans ce numéro de Livres Hebdo l’économiste Françoise Benhamou, "les libraires peuvent répondre à [la] demande de socialisation que fait naître le numérique en raison de l’individualisation des pratiques culturelles et de l’isolement qu’il provoque. Beaucoup de libraires racontent que les gens reviennent, ont envie de parler". On aurait tort de les en dissuader.

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