Comme il l’a déjà prouvé, Jonathan Littell aime se mettre en danger dans l’écriture. Qu’il sonde le monde ou l’art, il en scrute les recoins les plus noirs. Ici, il harponne le lecteur dès les premières pages dans une trame à la "Alice au pays des cauchemars"… Chaque chapitre correspond à un saut dans le vide, sans parachute. Un personnage traverse un maelström d’images. Le voilà en train de copuler dans la chambre à coucher quand, soudain, tout est chamboulé. Les portes s’ouvrent et le transportent sans cesse vers un nouvel univers. Les identités sont brouillées, tant on ignore si le protagoniste du moment est masculin, féminin ou hermaphrodite. Certains éléments reviennent tout le temps : les couloirs, les miroirs, les pannes de courant, les chats ou un petit garçon blond. Comme si ce dernier se cachait sous les traits d’un même homme, à plusieurs âges de sa vie. Tout lui est possible, même le pire. La perversité se mêle à la quête de désir illimité et fantasmé. Le corps, dans tous ses excès, est célébré ou torturé. La domination crée un dangereux tourbillon. Tout peut déraper, si la femme devient un simple objet jetable. Le tout sous l’œil d’un téléphone portable. Chaque scène se termine par un plongeon dans une piscine, histoire de calmer nos émotions avant le prochain épisode. Tantôt horripilant et nauséabond, tantôt hypnotique, pornographique ou psychanalytique, ce roman déroutant n’est pas à mettre entre toutes les mains. A nous de choisir si on est prêt à tourner la poignée de la porte ou pas. Kerenn Elkaïm