1907, Grand Hôtel de Cabourg. Dans la chambre 414, un homme écrit. Il est réputé pour être un client difficile, aux manières détonnantes. Frileux, il exige que sa chambre soit toujours calfeutrée. Noctambule, il sort à peine de jour, et s’active au crépuscule. Il se murmure que c’est un mondain de Paris, et un écrivain par-dessus le marché. Il s’appelle Marcel Proust, mais à cette époque-là, peu de français connaissent ce nom.
Dans la station balnéaire de la côte fleurie, Marcel Proust avait ses habitudes. Il la découvre dans ses jeunes années. Pour soigner son asthme, les médecins préconisent l’air marin. En 1907, l’auteur revient à l’âge adulte et établit ses quartiers pendant la belle saison - à tel point que dans ses livres, il invente Balbec, station balnéaire dont la ressemblance avec Cabourg est sans équivoque. Il séjournera là-bas chaque année jusqu’à 1914. Mais paradoxalement, depuis son trépas, Proust est partout à Cabourg : ses madeleines chéries ornent les vitrines de toutes les boulangeries, et son portrait est placardé sur les murs. Tous les étés, des conférences proustiennes sont tenues les lundis soirs, et, en 2019, les membres de l'Académie Goncourt se sont rendus sur les lieux pour annoncer leur sélection, 100 ans après que l’auteur a remporté le sien.
Pour honorer sa mémoire, à l’occasion du centenaire de sa mort, la mairie de la ville voit les choses en grand : l’hommage s’articulera sur tout le week-end du 19 novembre au Grand Hôtel, mais également dans un espace muséal qui redonne vie à l’époque dans laquelle l’écrivain évoluait.
“L’hôtel le plus confortable de toute la côte”
Initiation à l’écriture de l’auteur par Jacques Mougenot, goûter musical et visite sur réservation… Le centenaire s’annonce chargé pour le Grand Hôtel Cabourg, un lieu chargé d’histoire pour les adeptes proustiens. L’auteur de La Recherche y a logé pendant huit ans, accaparé par l’écriture d’A l’ombre des jeunes filles en fleurs. C’est même à l’hôtel que l’on doit sa redécouverte de Cabourg : elle fait suite à l’ouverture du lieu en bord de mer, pourvu de tous les charmes de la modernité. Considéré par Marcel Proust comme “L’hôtel le plus confortable de toute la côte”, il est séduit par la vue prenante de la promenade et de la mer, cette “zone bleue et fluide” où la mer et le ciel se confondent, écrit-il dans La Recherche. Sa chambre, toujours la même, a été reconstituée avec du mobilier d’époque et se consulte à la demande.
A la Villa du Temps retrouvé, des réminiscences de la Belle Epoque
Le week-end du 19 novembre sera aussi marqué par l'ouverture en libre accès de la Villa du Temps retrouvé, avant sa fermeture annuelle. Jadis la Villa Bon-Abri (construite en 1860 par l’architecte Clément Parent, une connaissance de Marcel Proust), la Villa et son espace muséal de 600 mètres carrés invite son public à flâner dans l’atmosphère de la Belle Epoque. Son exposition semi-permanente dédiée à cette période de l’histoire française prend Proust pour fil rouge, et non pas comme sujet. Nombre d’artistes exposés faisaient partie de son cercle social, ou touchaient de près ou de loin à son écriture. Cependant, ici et là, quelques reliques sont disséminées, de même qu’un exemplaire rare d’une édition de luxe d’A l’ombre des jeunes filles en fleurs prêtée par le collectionneur Alain Nicolas et comportant un document de travail inédit de l’auteur.
Le programme complet du centenaire est disponible sur le site de la ville de Cabourg.