Le petit manuel d’éducation civique et judiciaire proposé par Daniel Soulez Larivière est aussi une réflexion sur la justice. Comment pourrait-il en être autrement ? Si l’avocat qui a fêté en 2015 son demi-siècle de prestation de serment conseille aux justiciables de ne répondre que simplement aux questions lors d’une garde à vue, d’être concis et bien sûr de ne pas mentir, il en profite pour montrer le malaise du système judiciaire français notamment dans la confusion du siège et du parquet. Sur un plan plus moral, il fustige la perception d’une justice envisagée comme un "instrument qui serait en prise directe avec la vérité", comme si celle-ci ne demandait qu’à être découverte au fond du jardin, d’où l’obstination à obtenir des aveux.
A l’appui des affaires dont il s’est occupé (effondrement du stade de Furiani, crash du mont Sainte-Odile, catastrophe de l’usine AZF, déraillement à Brétigny-sur-Orge), l’avocat qui dispense depuis vingt ans des formations aux salariés des grandes entreprises afin de les préparer à la rencontre avec la justice fait ici la synthèse. Il rappelle que la transparence, loin d’être une vertu, transforme l’institution en maison de verre qui subit la pression médiatique au nom d’une "mystique de la vérité" avec un "diable responsable".
Derrière l’aspect pratique, l’auteur avec Caroline Eliacheff du Temps des victimes (Albin Michel, 2007) examine une machine judiciaire qui mériterait selon lui une petite révision. Et s’il s’adresse à "tous les honnêtes gens", c’est parce que les voyous, eux, connaissent déjà la procédure. L. L.