Parmi les primo-romanciers de la rentrée d’hiver 2018, les femmes sont majoritaires : elles sont 36 sur 64. Sans surprise, nombre des primo-romanciers partagent l’expérience de milieux professionnels où l’on manie les mots, comme l’illustre le panel des six auteurs publiés chez Gallimard. Parmi eux, Fabrice Chêne, auteur de L’inversion du Gulf Stream, est enseignant agrégé de lettres modernes dans un lycée de l’Essonne, Benjamin Pitchal (La tête de l’emploi) gère une librairie de livres anciens à Paris, et Violaine Huisman (Fugitive parce que reine) organise des événements littéraires à New York.
A la suite de Gallimard, Grasset propose cinq premiers romans, dont celui de la comédienne Isabelle Carré (Les rêveurs). Flammarion en ajoute trois à son catalogue avec Une vie minuscule de Philippe Krhajac, La suivante de Sarah Emmerich et Habiletés sociales de Camille Cornu, écrivaine récemment titulaire d’un master de création littéraire de l’université Paris-8 Saint-Denis. Comme l’an passé, la rentrée compte dix journalistes passés du côté de la fiction. On y trouve notamment Guillaume Para, journaliste politique, qui publie Ta vie ou la mienne chez Anne Carrière, Ghislain Loustalot, ancien rédacteur en chef à VSD et auteur de La première nuit chez JC Lattès, ou encore Baptiste Touverey, contributeur notamment au magazine Books, avec Constantinople chez Robert Laffont.
De façon plus inattendue, la rentrée 2018 révèle la présence d’auteurs issus du monde du droit. Chez Fayard, Adeline Baldacchino, auteure de Celui qui disait non, est tout à la fois poète et magistrate. Les éditions Lazare et Capucine publient Le rêve en deuil de Patrick Potier, ancien haut fonctionnaire au ministère de la Justice, tandis que Stock livre le premier roman de l’avocate pénaliste Constance Debré, intitulé Play boy. Chez Grasset, Richard Malka, avocat spécialiste du droit de la presse, signe Tyrannie, et Isabelle Sivan, avocate en propriété intellectuelle, rejoint cette lignée d’auteurs à la plume habituellement juridique avec Dankala chez Serge Safran.
Inspiration familiale
Il est frappant de constater combien on s’inspire de sa propre vie dans une première publication. Avec un penchant pour la figure parentale, les primo-romanciers de cet hiver fouillent dans l’intime des relations familiales. Dans Seuls les enfants savent aimer au Cherche Midi, le chanteur Cali se fait écrivain et revient sur son enfance endeuillée par la perte de sa mère. La Biélorusse Aliona Gloukhova s’attarde également sur la perte d’un parent en évoquant le naufrage en pleine mer de son père l’année de ses 7 ans (Dans l’eau je suis chez moi, Verticales). En donnant la parole à son héros Phérial Chpapjik, l’anagramme de son nom, Philippe Krhajac revient sur son expérience des familles d’accueil dans Une vie minuscule chez Flammarion.
Dans 1 144 livres de Jean Berthier chez Robert Laffont, un bibliothécaire né sous X reçoit le mystérieux héritage de sa mère dont il cherche à découvrir l’identité. La relation parentale est prétexte à faire renaître les souvenirs d’une époque ou de personnalités marquantes, comme dans La tête de l’emploi (Gallimard), où Benjamin Pitchal s’inspire du destin de son grand-père Alain Gheerbrant, étant connu comme l’éditeur d’Antonin Artaud, écrivain et explorateur. De façon similaire, Isabelle Carré dresse le portrait de la bohème des années 1970 à travers son histoire familiale dans Les rêveurs (Grasset). Fugitive parce que reine de Violaine Huisman (Gallimard) s’attache à l’amour inconditionnel entre une mère et sa fille tandis que Ghislain Loustalot décrypte les confrontations entre père et fils sur deux générations dans La première nuit chez JC Lattès. Parmi cet étalage de romans nourris de filiations réelles, Alexandre Brandy fait figure d’imposteur assumé et raconte dans Il y a longtemps que je mens (Grasset) ses multiples manipulations afin de se faire passer pour le neveu des puissants Saad Hariri, Mouammar Kadhafi et Bachar el-Assad et, ainsi, visiter les plus belles demeures de Paris. d Lé. L