5 octobre > Récit France > Yann Dedet

Si dans le cinéma français contemporain l’expression film culte a jamais eu un sens, c’est pour ce film-là. Passe montagne de Jean-François Stévenin ou comment passer de la politique des auteurs à celle des hauteurs. L’histoire de deux êtres qui n’auraient jamais dû se rencontrer, vont nouer une amitié paradoxale au fil d’une errance dans les montagnes du Jura, où la poésie ne se décrète jamais mais s’impose dans chaque scène. Stévenin, qui ne tournera par la suite que deux autres longs-métrages, Double messieurs et Mischka, s’y affirme comme le fils prodigue de la nouvelle vague versant Rozier ou Pialat, mais aussi, pour son usage de l’indécision du réel, comme le Cassavetes français.

Du cinéaste américain, Stévenin partage aussi le goût pour les bandes, les copains qui passent devant et derrière la caméra, un coup acteurs, un coup assistants, chefs opérateurs ou monteurs. Parmi eux, Yann Dedet, qui a su s’imposer depuis Passe montagne comme l’un des monteurs de notre cinéma auprès de Truffaut, Pialat, Garrel, ou Maïwenn. Il publie aujourd’hui son premier livre, Le point de vue du lapin, récit en liberté sur le tournage et surtout sur ce qui l’a précédé, les repérages dans un Jura aussi sauvage que ses habitants, qui se révélèrent finalement hospitaliers. Préparer un tournage de Stévenin se révèle aussi foutraque et miraculeux que le sera le film lui-même. Entre bitures, rencontres d’un jour qui durent toujours, coups durs et coups de génie, c’est un véritable système D artistique qui se met en place.

Quarante ans plus tard, Dedet et Stévenin se retrouvent dans la maison jurassienne du cinéaste. L’un travaille à son film sur Céline, l’autre écrit son livre. Les deux, entre apéros et travaux de jardinage, procrastinent. Bref, Le point de vue du lapin est un livre sur l’amitié, retrouvant là encore la splendeur cachée de l’inaugural Passe montagne. Olivier Mony

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