Portrait

Pôl Scorteccia : l’autodidacte

Pôl Scorteccia - Photo olivier dion

Pôl Scorteccia : l’autodidacte

L’éditeur, qui a lancé le 9 octobre son troisième label éditorial en moins de trois ans, dirige désormais Urban Comics, Urban China et Little Urban au sein de Média-Participations. Portrait d’un autodidacte qui a commencé comme coursier à la librairie Charlemagne.

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Par Anne-Laure Walter,
Créé le 21.10.2015 à 16h02

Dérouler son curriculum vitæ, pour Pôl Scorteccia, c’est se lancer dans une série d’anecdotes qui tient l’auditeur en haleine. Le directeur d’Urban Comics, la marque de Média-Participations dédiée à la bande dessinée américaine, est un autodidacte. Si ce quinquagénaire, père de deux enfants, a lancé le 9 octobre une marque destinée à la jeunesse, Little Urban, son parcours professionnel s’est principalement déroulé dans le 9e art.

A 18 ans, le Corse qui a grandi à Nice monte dans un train pour Paris. Mais lorsqu’il arrive gare de Lyon, personne ne l’attend. Il met ses bagages à la consigne et part en quête d’un emploi. Ses premières nuits de Parisien, il les passera dehors, sur un banc du Pont-Neuf. Une cliente d’un café lui conseille d’aller au Cercle de la librairie, rue de l’Odéon, où sont centralisées toutes les demandes de main-d’œuvre des libraires. La librairie Charlemagne (aujourd’hui disparue), dans le Marais, cherche justement un coursier. Conditions sine qua non pour le poste : être motorisé et connaître Paris. "J’étais dans la ville depuis seulement quelques jours et je dormais sur un pont. J’ai dû mentir", admet-il. Le lendemain, il arrive à la librairie couvert de cambouis en prétextant une panne de moto. "J’ai passé un mois à trimbaler en métro des cartons de livres !"

 

Le sens du contact

Lorsque son contrat se termine, il enchaîne les petits boulots - sa carrure de rugbyman lui assure des emplois de vigiles ou de videurs -, jusqu’à ce que les propriétaires de la librairie Charlemagne, les Debailleul, le rappellent pour un emploi de manutentionnaire. "Ma grand-mère avait un kiosque à journaux où je lisais beaucoup de bandes dessinées. Au bout de quelques mois, je leur ai proposé de monter le rayon." Il rencontre ainsi les commerciaux et débute, en magasin, dans la vente. Il part en 1987 à la librairie Glénat, rue Lafayette, puis dirige pendant sept ans la librairie d’images boulevard Saint-Germain, jusqu’à sa cession par Jacques Glénat à Album. S’ensuit une parenthèse peu concluante d’un an chez TF1 avant de retourner à ses amours, la BD.

Savoir s’entourer

Pôl Scorteccia a le sens du contact, et c’est un commercial croisé dans sa vie de libraire qui le prévient qu’il libère un poste chez Dargaud. Il rejoint ainsi Média-Participations, où il officie maintenant depuis vingt ans. Il y sera représentant Dargaud, puis assistant éditorial au Lombard, avant de devenir le directeur de cette maison en 2008. Lorsque Média-Participations récupère la licence DC Comics, on lui propose de développer la marque. "Le Lombard avait une longue histoire, dans laquelle il fallait se couler tout en modernisant la maison, se souvient-il. Là, tout était à monter. C’est le type de proposition que l’on n’a qu’une fois dans sa vie."

Si Pôl Scorteccia n’est pas un féru de comics, il sait diriger une société et surtout s’entourer. Pendant l’été, il dévalise les librairies pour se mettre à niveau, lui qui a surtout lu les Watchmen d’Alan Moore, et il recrute une solide équipe autour de François Hercouët. Urban Comics est lancé en 2012. Le développement de la maison (+ 20 % chaque année et un volume d’activité de 15 millions d’euros en prix public hors taxes) coïncide avec la forte croissance en France du rayon comics, dont le chiffre d’affaires a augmenté de 11 % sur les douze derniers mois selon GFK. Fort du succès de la marque, il se voit confier en début d’année le développement d’Urban China, le joint-venture entre Média-Participations et la maison d’édition privée cantonaise Comicfans Culture. Et comme tout semble lui sourire, il lance en octobre un nouveau label autour de l’image, sans bulles cette fois : Little Urban.

"La maison est née d’un coup de cœur pour A la recherche de la carotte bleue, que j’ai reçu en janvier 2013 et mis au frigo jusqu’à ce que je trouve une collection." Cet album de Sébastien Telleschi inaugure le catalogue de la marque jeunesse, qui sera nourri de deux nouveaux albums par mois. Pour cette nouvelle aventure, la même recette : "S’entourer d’une bonne équipe pour la qualité éditoriale et respecter une identité visuelle avec des collections très chartées."

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