Il les appelle Cristo Fandré, Cyril Borusnik ou Fabrice Dimal. On les aura reconnus. Avec quelques autres, ils inscrivent régulièrement leurs essais dans les meilleures ventes. Il cite Aristote, Donald Trump, Ronald McDonald ou Carlos Ghosn. Bienvenue dans l'antimanuel de développement personnel d'Yves Cusset. Normalien, agrégé et docteur, ce spécialiste d'Habermas est passé de l'étude de l'ironie à la parodie en montant sur les planches. Depuis, il ne les a plus quittées, alternant livres et spectacles. L'auteur de Rire : tractatus-philo-comicus (Flammarion, 2016) pratique en effet une discipline peu courante dans le monde universitaire : l'humour philosophique.

Frère de l'écrivaine Catherine Cusset et de l'historien François Cusset, il aime les jeux de mots et les maux du « je ». « Prends ta boue, fais-en de l'or, sinon ton or sera tabou ! » D'où son intérêt pour tous ces coachs. « La condition pour réussir sa vie, c'est d'oublier tous les conseils prodigués pour réussir votre vie, à commencer bien sûr par ce conseil de les oublier. » Autrement dit, méfions-nous du pitre car les formules lancées pourraient être aisément reprises par tous ces conseillers en bonheur : « tu es à la fois la lumière et l'interrupteur », « la vie est le seul véhicule qui ne dispose pas de marche arrière », « décrète que tu es aimé et tu le seras ». Avec Yves Cusset, nous slalomons entre Nietzsche et Balavoine avec le sentiment que la route est droite mais que la pente est forte, pour reprendre l'image d'un penseur injustement oublié parmi ces exhausteurs de vie : Jean-Pierre Raffarin.

Pourtant, derrière la drôlerie surgit la critique de la violence et du mépris que ces coachs emploient dans leur injonction de réussir avant de mourir. « Ce n'est pas en cherchant à réussir sa vie qu'on la réussit, mais en pensant à autre chose, et éventuellement en la vivant. » Au fond, ce loufoque à la fac ne les prend pas au sérieux, pas plus que Pierre Dac quand il philosophait en faisant référence à Mordicus d'Athènes ou Salicylate de Soude. En hommage, Yves Cusset cite le Sâr Rabindranath Duval, qui considérait avec la justesse du truisme que « celui qui dans la vie est parti de zéro pour arriver à rien n'a de merci à dire à personne ». Il nous offre un petit coin de parodie pour un coin de parapluie afin de se protéger des averses de bons conseils. Pas de doute, sa farce nous attrape. Lisez Cusset, vous allez vous amuser et donc vous vivrez mieux.