4 novembre > Biographie Etats-Unis

Il y a eu les films de Scorsese, il y a eu le Dino de Nick Tosches (Rivages, 2001), il y aura donc ce Sinatra confidential qui ne leur cède en rien. C’est-à-dire que l’on y retrouvera la même théorie d’hommes d’honneur qui en ont bien peu, partagés entre le pays perdu, l’Italie, et le pays réel repeint aux couleurs de leurs rêves sanglants, l’Amérique. Cette Amérique des étoiles de celluloïd, des putes, des combines, des casinos, des filles et des flingues qui se réincarne en majesté de pacotille dans le désert du Nevada, dans un bled nommé Las Vegas, qui tient de l’île mystérieuse et de Sodome et Gomorrhe. Au milieu de tout cela, prince paradoxal, le type le plus cool du monde (mais aussi bien entendu, la star la plus capricieuse, l’homme le plus insupportable), Frank Sinatra. Et son orchestre de "gentlemen", tous aussi irrésistibles et odieux que leur "chef de bande", le "Rat Pack" composé de Dean Martin, Sammy Davis Jr, Peter Lawford, Joey Bishop.

Lorsque Shawn Levy saisit ainsi Sinatra, à l’heure de sa plus grande gloire, soit entre 1957, date de la mort de son mentor, Humphrey Bogart, et 1963, date de l’assassinat de JFK, il a déjà eu plusieurs vies. Chanteur de charme, idole des minettes, puis oublié de tous, si ce n’est de ceux résolus à lui faire payer ses caprices, condamné à ne plus chanter que dans des casinos minables tenus par de vagues connaissances mafieuses, il vient de renaître de ses cendres grâce au film Tant qu’il y aura des hommes et à quelques amitiés aussi opportunes que douteuses. A Vegas, où il s’installe pour ainsi dire à demeure, il est le roi. Propriétaire d’un casino et d’un hôtel, où il tourne le jour Ocean’s 11 et se donne en spectacle la nuit (entre autres activités…). Il tutoie des présidents et des parrains. Il chante comme personne l’amour, dont il semble pourtant connaître bien peu hormis son caractère marchand…

C’est cela - plus que la reconstitution, si soignée soit-elle, d’une époque et d’un pays qui s’apprête à y perdre ses derniers oripeaux d’innocence - le grand mystère autour duquel tourne inlassablement Shawn Levy, dont on aimerait maintenant découvrir aussi ses grandes biographies de Paul Newman ou de Robert de Niro. Celui d’un homme doué à faire peur pour un truc plus grand que lui. "C’est la musique qui avait lancé Frank, et, malgré ses beuveries, ses liaisons, ses films, son engagement politique, son ambition et sa notoriété, elle restait encore au cœur de son identité. Certains chantaient pour faire carrière, pour s’amuser ou pour communiquer quelque chose. Mais on aurait dit que Frank cherchait à communier avec la musique, à transformer ce qu’il y avait de matériel en lui - son corps, son argent, son pouvoir, ses biens - en pures formes esthétiques." O. M.

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