Dan Brown, Millénium 5, Astérix, Titeuf ou encore Harlan Coben, Bernard Werber, Maxime Chattam, Mary Higgins Clark, J. K. Rowling… Les plus gros vendeurs de livres prendront d’assaut jusqu’à la fin de l’année les vitrines des librairies. Un bal de poids lourds qui s’ouvre en août avec quelques titres porteurs de la rentrée littéraire comme la nouveauté annuelle d’Amélie Nothomb, Frappe-toi le cœur, à paraître le 24 août chez Albin Michel et annoncée avec un tirage de 200 000 exemplaires, ou les romans de Marc Dugain (Ils vont tuer Robert Kennedy) et d’Eric Reinhardt (La chambre des époux), publiés chez Gallimard et imprimés chacun à 50 000 exemplaires.
Les sorties mondiales, le 7 septembre, de Millénium 5, La fille qui rendait coup pour coup de David Lagercrantz (Actes Sud) et d’Une colonne de feu de Ken Follett (Robert Laffont) viendront secouer les tables jonchées des "coups de cœur" de la rentrée. Ces deux romans atteignent chacun un tirage de plus de 220 000 exemplaires et seront suivis, début octobre, par une quinzaine de titres "hyper best" comme Origine de Dan Brown (JC Lattès), Trois baisers de Katherine Pancol (Albin Michel), Une fois dans ma vie de Gilles Legardinier (Flammarion) ou On la trouvait plutôt jolie de Michel Bussi (Presses de la Cité).
En BD, Glénat marquera le début et la fin de la saison des gros tirages avec un 15e volet de Titeuf à paraître le 30 août et un 8e épisode de Lou !, en librairie le 15 novembre. Entre ces deux dates, le tsunami Astérix et la Transitalique déferlera le 19 octobre. Imprimé à 2 millions d’exemplaires, le 37e volet de la série est toujours signé par Didier Conrad et Jean-Yves Ferri. Les lectrices de romance trouveront également leur compte avec une nouveauté de l’auteure de la trilogie à succès After, Anna Todd, à paraître le 5 octobre chez Hugo & Cie, le lendemain de la parution chez Harlequin du nouveau roman de la reine de la romance à la française, Emily Blaine.
Vitalité
"Ça va se bousculer au portillon", observe Jean-François Callens, responsable de la communication et de l’événementiel au Furet du nord. "On sent que les éditeurs ont reporté des lancements au deuxième semestre. Ça risque de pétiller de partout, mais cette profusion de l’offre ne peut être que bénéfique", poursuit-il.
Du même avis, Nicolas Gaudemet, nouveau directeur du pôle culture de Fnac-Darty, espère une embellie des ventes en fin d’année après un premier semestre morose qui s’est soldé par un repli de 6 % du chiffre d’affaires en librairie. "Les best-sellers injectent de lavitalité grâce à l’augmentation du trafic sans pour autant écraser les autres titres", estime-t-il. Chez Fnac-Darty, "les 50 meilleures ventes ne représentent que 5 % des ventes en volume sur un an. Le marché se nourrit de sa diversité éditoriale", avance Nicolas Gaudemet. Une étude de GFK rendue publique en juin (voir graphique) tire la même conclusion : les ventes à 100 000 exemplaires et plus ne représentent que 7,5 % des ventes en 2016, alors que les livres écoulés entre 1 000 et 9 999 exemplaires concentrent, depuis au moins dix ans, 43 % des ventes annuelles.
Les stratégies commerciales en magasin reposent ainsi sur le développement de l’offre à tous les niveaux. "On présente des tables mixtes, souligne Gaëlle Maindron, cogérante de la librairie bretonne Livres in room, à Saint-Pol-de-Léon. Nous mettons côte à côte des best-sellers et nos livres coups de cœur afin d’éveiller la curiosité du client." Alain Popieul, responsable des achats librairie chez Carrefour, fait valoir le nombre croissant de références qui sont venues nourrir les rayons. "Les magasins présentent aussi des auteurs locaux dans leur mur de nouveautés", précise-t-il.
Avec la télévision
La chaîne d’hypermarchés se félicite par ailleurs du partenariat établi avec des émissions littéraires comme "Bibliothèque Médicis" sur Public Sénat. "Il faut répondre à la demande du client, c’est notre priorité. Mais il faut aussi se servir des incontournables pour proposer une offre complémentaire", insiste Alain Popieul. Le matériel de promotion sur le lieu de vente vient dans ce sens apporter de la diversité. "De plus en plus de modules nous permettent d’adapter l’offre à la taille du magasin et de placer les titres à gros tirages à différents endroits, près des caisses mais aussi à la croisée des chemins", explique le responsable des achats librairie chez Carrefour.
A la Fnac-Darty, les best-sellers sont mis en avant dans des pyramides, des triptyques, des box, des présentoirs ou encore des arrêts de piles. Cela favorise une constante rotation des titres, "les hyper best changent de place au bout d’une ou deux semaines", indique Nicolas Gaudemet. Les libraires se doivent d’être réactifs en écrémant régulièrement leurs rayons. "Il ne faut pas se rater, nous changeons les tables et vitrines en fonction des retombées dans la presse et des actualités, c’est beaucoup de manutention !" réagit Nathalie Deleval, chef du produit livre au Furet du nord.
Afin de pousser le client à diversifier son panier et à ne pas se cantonner à une seule nouveauté, les libraires n’hésitent pas à remettre en place des titres du fonds ou à élaborer la sélection des ouvrages qui ont pu inspirer un auteur connu. Ils orientent également les clients vers des livres aux thématiques similaires. "Une dame qui était venue chercher Da Vinci code de Dan Brown est repartie avec Le testament des siècles d’Henri Lœvenbruck", cite à titre d’exemple Gérard Felices, responsable de la librairie La Rue en pente, à Bayonne.
Théâtralisation
Les professionnels mettent également l’accent sur un rendez-vous à travers l’organisation d’événements autres que les traditionnelles séances de dédicaces. Chez Carrefour, si chaque magasin est autonome et responsable de sa propre mise en place, un travail de théâtralisation est réalisé en amont pour accompagner la sortie d’un titre à gros enjeu commercial. Création d’un village gaulois pour l’arrivée d’un album d’Astérix, distribution de chapeaux de cow-boys aux caissiers afin d’escorter Lucky Luke…
"Aujourd’hui, notamment grâce aux réseaux sociaux, nous pouvons attirer l’œil du lecteur de diverses manières, affirme Jean-François Callens au Furet du nord. Une soirée spéciale autour de la rentrée littéraire, la conférence d’un auteur connu comme Frédéric Lenoir, l’organisation d’un escape game géant… Ces événements contribuent à consolider notre image de marque et à nous démarquer des plateformes de vente en ligne."
La fin d’année devrait donc être assez mouvementée en librairie, notamment pendant les vacances de la Toussaint où plusieurs titres de BD tout public comme le 38e album de Boule et Bill (Dargaud), le 19e volume des Profs (Bamboo) ou le 21e Largo Winch (Dupuis) attireront petits et grands. "Finalement, les best-sellers sont rassurants et représentent des points de repère pour des lecteurs qui considèrent parfois la librairie comme un endroit élitiste", estime la cogérante de Livres in room. "Ils montrent surtout la diversité du lectorat puisque tous les segments s’y retrouvent aujourd’hui. Et ça, les éditeurs l’ont bien compris", fait valoir Grégoire Arseguel, directeur délégué commercial et marketing de Place des éditeurs. I. C.
Trois lancements mondiaux
Lees nouveaux romans de David Lagercrantz et de Ken Follett, les 7 et 14 septembre, et de Dan Brown, le 4 octobre, s’invitent en pleine rentrée littéraire. Ils totalisent à eux trois 1,2 million d’exemplaires tirés, mais avec un plan de lancement sous contrainte.
Trois lancements mondiaux contribueront à faire les bonnes ventes des librairies cet automne. Au jeu du plus gros tirage, l’Américain Dan Brown remporte incontestablement la mise avec 600 000 exemplaires prévus dès le départ pour Origine, une nouvelle aventure de Robert Langdon publiée le 4 octobre par Lattès. Le Suédois David Lagercrantz et le Britannique Ken Follett suivent avec, respectivement, 400 000 exemplaires tirés pour Millénium 5. La fille qui rendait coup pour coup, chez Actes Sud, qui dévoile l’enfance de Lisbeth Salander, et 220 000 exemplaires pour Une colonne de feu chez Laffont, dans lequel on retrouve Kingsbridge à la Renaissance.
Des sorties simultanées
Millénium 5 et Une colonne de feu vont débarquer en pleine rentrée littéraire, la date de sortie étant imposée car simultanée (à un jour près) dans tous les pays. "Autrefois, nous avions lancé Un monde sans fin un an après, mais aujourd’hui le monde va plus vite et l’attente est telle que ce n’est plus possible. Publier le livre en même temps que les autres grands pays crée une excitation, une émulation entre les éditeurs", souligne Maggie Doyle, éditrice de Ken Follett chez Laffont. Pour respecter le timing, cinq traducteurs, pilotés par Odile Demange, ont travaillé sur Une colonne de feu, qui compte 1,8 million de signes, 1 200 feuillets et 925 pages. Deux traducteurs ont planché sur Origine, Dominique Defert et Carole Delporte, et une seule pour Millénium 5, Hege Roel-Rousson.
La mondialisation ne va pas sans contrainte. Dan Brown n’a pas failli à sa réputation et ses traducteurs européens ont été enfermés pendant deux mois, en Espagne (le livre démarre au musée Guggenheim de Bilbao), dans un lieu tenu secret. Personne n’a lu le livre, à l’exception de son éditrice française Isabelle Laffont, venue sur place. Aucun journaliste ne l’aura en mains avant sa publication. "Les Américains ont été traumatisés par le raz-de-marée de publications sur le même thème au moment de la sortie de Da Vinci code, directement concurrentes du livre", explique Isabelle Laffont.
Les consignes envoyées par Norstedts, l’éditeur de Lagercrantz, sont également très strictes. "Des journalistes sont allés interviewer l’auteur en Suède en juin sans avoir lu le livre. Les autres pourront le lire, mais ils ont signé une lettre de confidentialité et ont l’obligation de ne rien publier avant le 7 septembre", révèle Estelle Lemaître, directrice de la communication d’Actes Sud.
En l’absence d’épreuves, les trois livres seront envoyés aux journalistes le jour de la parution. Seuls David Lagercrantz et Ken Follett, qui est venu à la réunion de rentrée littéraire des libraires le 23 juin, seront présents à Paris durant la période de sortie, respectivement du 19 au 21 septembre et du 26 au 30 septembre. Alors que l’auteur des Piliers de la terre est un habitué des conférences de presse à la Foire internationale de Francfort où il fait le point sur les adaptations de ses livres ou sur l’état d’avancement de ses romans, Dan Brown, qui ne se rendra pas dans tous les pays, y donnera une conférence exceptionnelle le 14 octobre.
Couverture adaptée pour Une colonne de feu ou dans la lignée des précédentes pour Millénium 5 (mais avec une illustration pleine page), promotion importante en librairie, bande-annonce sur les réseaux sociaux, publicité sur le flanc des bus et dans les gares, campagne radio (avec plateforme de partage de la promotion pour Ken Follett, sur une idée des éditions Robert Laffont, qui l’ont pratiquée pour Maestra) : les éditeurs sortent l’artillerie lourde. Il est vrai que ces trois monstres sacrés témoignent d’une réelle fidélité à leur éditeur français. Au total, Dan Brown a vendu 200 millions de livres dans le monde, dont 12 en France. Ken Follett totalise 160 millions de ventes, dont 40 en France pour Les piliers de la terre et Un monde sans fin. Millénium atteint 81 millions dont 4,5 en France. "Nous sommes l’éditeur de toute l’œuvre de Ken Follett depuis 1980, à part Les piliers de la terre publié par Stock. C’est une question de confiance", conclut Maggie Doyle. C. C.