Avant-critique Roman

Modeste et Pompon. « Amis », le terme est un peu fort. « Copains » serait plus approprié, mais « de passage » correspond bien à leur relation. Car en fait, Zoran, fils d'immigrés yougoslaves croates, et Ponthus, fils de petits-bourgeois provinciaux de gauche (père franc-maçon, mère socialiste militante), ne se sont côtoyés qu'un an : l'année scolaire 1970-1971, en classe de quatrième. Ils avaient à peu près 13 ans. Ensuite, les deux ont redoublé. Zoran a été orienté vers le technique, il est devenu mécano. Infirme après un grave accident de moto en 1976, il a travaillé toute sa vie dans un garage Peugeot. Une destinée modeste, obscure, seul dans sa maison de village, non loin de la petite ville. Ses uniques passions, l'alcool (l'anisette), les puissantes BMW noires, et le sexe : durant des années, il est monté à Paris uniquement pour fréquenter une boîte à partouzes, Le Clos d'Edmée. Ponthus, lui, que Zoran surnommait « Pompon » à son grand déplaisir, s'est installé à Paris en 1982. Après ses études de sociologie, il a été embauché pour conseiller les collectivités locales dans leurs aménagements et constructions. Il a eu plusieurs femmes et trois fils qu'il ne voit plus guère.

Et leurs vies ont coulé. Ils se sont revus quelques fois, en 2007, 2012, ici ou là. Ont partagé quelques brefs moments, un peu parlé, surtout Zoran, qui, un jour, fait allusion au suicide. Il est passé à l'acte, un 4 janvier. Denise Veuillot, son amie de toujours, à qui il parlait souvent de son « copain de Paris », convie celui-ci à prononcer un petit discours à l'enterrement. Ponthus retrouve cette ville à laquelle, ses parents partis, rien ne le rattache plus. Vieilli lui aussi, il médite sur sa relation bizarre avec Zoran, ces vies parallèles qui ne sont guère croisées. Puis repart...

Cette histoire qui commence dans les années 1970 (évoquées avec beaucoup de justesse − de l'encyclopédie Alpha à Sylvie Vartan −, tout comme la vie dans une préfecture de province, jamais nommée), permet à Philippe Ridet, ancien correspondant du Monde en Italie, de trousser un roman nostalgique, sur le temps qui passe, les occasions perdues et les illusions manquées. Thème éternel, que chaque écrivain revisite, comme ici, avec son talent, sa petite musique personnelle.

Philippe Ridet
Les amis de passage
Équateurs
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 19 € ; NC
ISBN: 9782382844779

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