Durable par les contenus qu’elle produit et diffuse, la filière du livre est-elle organisée elle-même dans une logique de développement durable ? Même si l’édition ne contribue que pour 0,13 % aux émissions de gaz à effet de serre dans l’Hexagone, elle ne peut s’exonérer des efforts qui s’imposent à chacun pour contribuer à inverser la courbe du réchauffement climatique. Des marges de manœuvre existent, qui concernent avant tout la fabrication, mais aussi la gestion des flux, le transport et la logistique, et même la construction, l’aménagement et le fonctionnement des bâtiments - bureaux, entrepôts, librairies, bibliothèques, salons du livre… - dans lesquels s’incarne le secteur.
Des initiatives ont été prises, qui portent particulièrement sur les choix de papier et, pour la construction de nouvelles bibliothèques, sur la prise en compte des normes HQE. Mais au moment où s’ouvre à Paris la très médiatisée conférence sur le climat, dite COP 21, force est de constater que l’engagement écologique du monde du livre repose encore pour beaucoup sur celui d’une poignée de professionnels. Le buffet servi aux invités d’Actes Sud pour célébrer, le 3 novembre, le Goncourt de Mathias Enard avait beau être certifié bio, c’est généralement dans une certaine indifférence, nourrie par la crainte, pas toujours justifiée, de surcoûts, que quelques cadres du secteur doivent batailler pour tenter de le rendre plus économe en énergie et en ressources naturelles, plus écologique en somme. En témoigne le faible écho du module de formation "Edition et développement durable" créé il y a deux ans par l’Asfored.
Les difficultés culminent chez les libraires, qui ont souvent peu de prise sur nombre des paramètres qui leur permettraient d’améliorer leur bilan carbone. Même avec la meilleure volonté du monde, ils peinent à basculer du geste écoresponsable à une stratégie d’entreprise globale. Si le livre peut mieux faire, il a certainement besoin pour cela aussi bien de politiques publiques plus incitatives que d’une meilleure concertation interprofessionnelle.