Polémique

"Petit Paul": les libraires ne cèdent pas aux pressions

"Petit Paul": les libraires ne cèdent pas aux pressions

A la suite du retrait de l’album pornographique de Bastien Vivès des succursales Cultura et Gibert Joseph, Livres Hebdo a interrogé plusieurs libraires et enseignes sur leur propre démarche.

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Par Nicolas Turcev,
Créé le 09.10.2018 à 11h53

Lundi 24 septembre, les magasins Cultura et Gibert Joseph annonçaient le retrait de leurs rayons de la bande dessinée Petit Paul, de Bastien Vivès, parue le 19 septembre chez Glénat. La décision faisait suite à la publication d’une pétition signée par plus de 2000 personnes demandant à l’éditeur  de cesser toute vente de l’album, accusé de "pédopornographie". Toutefois, les libraires interrogés par Livres Hebdo affichent une démarche différente de celle des deux poids lourds de la vente de produits culturels.

Au Hall du livre, à Nancy, 9e au classement Livres Hebdo des 400 premières librairies françaises, avec 1 250m2 de surface de vente et 95 000 titres en rayon, on confirme que l’ouvrage est bien en vente dans le magasin. "Il est vendu scellé, sous cellophane, comme préconisé par l’éditeur, indique-t-on à la librairie. Tout se passe à merveille, les clients sont avertis et il n’y a pas eu de remontée particulière." La situation est la même chez Mollat, à Bordeaux, où l’album est disponible au rayon érotique.

La Fnac, premier libraire de France avec 538 millions d'euros de chiffre d'affaires livre, référence également le titre. "Nous avons une position claire, qui s'applique à tous les livres, déclare Laurence Buisson, la directrice du livre de la chaine. Dès lors qu'un ouvrage n'est pas illégal, on le référence." La responsable se dit aussi "rassurée" par les éléments présentés par Glénat, comme le sticker apposé par l'éditeur sur la bande dessinée qui avertit de sa teneur pornographique.
 
Chez Leclerc, deuxième plus grande chaîne avec un chiffre d’affaires livre de 370 millions d’euros, quelques centaines d’exemplaires ont été commandés à l'éditeur par plus de 200 points de vente. Chaque libraire peut néanmoins décider "en son âme et conscience" de vendre ou non Petit Paul, précise Anthony Foret, responsable du marché du livre à la centrale d’achat Galec.
 
"Quand nous avons vu la polémique enfler, nous avons rappelé que c’était un ouvrage pornographique sous cellophane, à classer au bon endroit dans le rayon adulte. Nous avons demandé une certaine prudence autour du titre", déclare Anthony Foret. Mais, souligne-t-il, "ce n’est pas vraiment au libraire de décréter ce qu’on peut lire ou pas, du moment qu’il n’y a pas d’interdiction".
 
Dans la chaîne de librairies lilloise Furet du nord, "l’album est à la vente, hors de portée des enfants sur un rayonnage haut. Nous ne voyons pas pourquoi nous ne le vendrions pas. Ce n'est pas à nous de dire ce que les gens peuvent lire ou pas", insiste la directrice de communication de l’enseigne, Muriel La Borderie.
 
Chez Folies d’encre, à Montreuil, la directrice, Amanda Spiegel, se dit même "énervée" par la décision "trop rapide" de Cultura et Gibert Joseph. "On ne peut pas vivre avec la peur des lobbys et des pétitions", estime-t-elle. En réaction à la polémique, la libraire a décidé de faire un "contre-boycott" en plaçant l’ouvrage de face plutôt que sur la tranche sur la haute étagère où se trouvent les productions réservées aux adultes.

Plusieurs libraires et éditeurs ont également manifesté auprès de Livres Hebdo leur soutien à l'éditorial du magazine du 28 septembre, dans lequel le rédacteur en chef, Fabrice Piault, pointait une "stratégie d’intimidation" de "censeurs improvisés" menaçant la liberté de publication.

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