On ne sait plus quoi faire, du côté des collections de poche, pour insuffler un peu d’originalité à un travail éditorial longtemps fondé sur la guerre des rééditions, à quelques exceptions près. Les inédits, oui, oui ! (Comme on disait à Neuilly : Martinon, non, non !) Mais pas seulement. Des livres un peu différents, aussi, quelque chose d’un esprit « club », histoire de donner au poche jetable une nouvelle noblesse. Cela se fait de plus en plus en fin d’année, pour transformer l’ouvrage de poche en objet (aïe ! ça, c’est le mot qui tue) cadeau. On vient d’avoir les Points chics, les Folio à tirage limité, les J’ai lu reliés, sans rien dire des traditionnels coffrets. Et voilà qu’au Seuil, on lance une sous-collection Signatures en Points . Même hauteur que les autres ouvrages de la collection, mais ceux-ci sont un peu plus larges, la couverture est à rabats, la typographie y privilégie le nom de l’auteur… Les cinq premiers titres sont sortis le 24 janvier déjà, je suis en retard. Mais les circuits postaux entre Paris et Madagascar ralentissent les envois quand ils font des détours. Je ne sais plus si c’est par la Belgique ou l’Allemagne, j’ai jeté l’enveloppe. Ou plutôt, je l’ai abandonnée, hier, dans le bar d’Antananarivo idéalement situé entre la poste des colis et le Centre culturel français, et où je laisse souvent l’emballage pour découvrir le contenu. (Cet emballage sert, ensuite, aux porteurs de cageots de bière, de rhum ou de boissons hygiéniques, comme on dit ici, à amortir les effets du poids sur leur tête.) Je n’ai pas été déçu. La livraison initiale de Signatures est du genre à mettre en appétit. J’avais lu un soir, jusque très tard dans la nuit, Moustiques , de Faulkner, à l’époque où je vivais encore en Belgique – et c’était déjà dans la collection de poche du Seuil. J’avais oublié la préface de Queneau, qui relevait cette phrase fondamentale : « Un livre, c’est la vie secrète de l’auteur, le jumeau sombre de l’homme : vous ne pouvez les réconcilier (leur trouver un terrain d’entente). » L’amateur , de John Fowles, est le roman avec lequel j’ai découvert un romancier qui m’a impressionné tout de suite, et encore bien davantage quand, bien des années après, je l’ai rencontré (quand est parue la traduction française de La créature ). Un seul regret : que le titre du film tiré de ce roman, L’obsédé , se soit imposé au titre original. La puissance de l’image… Le nom de John Cowper Powys s’est glissé dans mon oreille lors d’une conversation avec Jean-Pierre Otte. Givre et sang a confirmé tout le bien que je pensais des conseils de cet écrivain. Un livre halluciné, une littérature qui ne ressemble à aucune autre. Il reste deux titres : Le bon vieux et la belle enfant , d’Italo Svevo, et Le jardin de ciment , de Ian McEwan. Si j’ai lu d’autres livres de ces écrivains, pas ceux-ci. Je m’attends à de belles découvertes. Non sans me poser une question : pourquoi uniquement des textes traduits ? Même les auteurs annoncés pour la suite ont eu besoin d’un passeur pour nous arriver en langue française. N’y a-t-il pas, dans le fonds du Seuil, de « grands textes modernes et contemporains » (je reprends les termes du communiqué de presse) dignes d’entrer dans cette « bibliothèque idéale » ? La réponse un de ces jours, probablement.
15.10 2013

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