Comment s’est déroulée la première réunion du “Book Ban Club”?
C’est fou ! Je pensais que personne ne viendrait au premier meeting. J’étais très surprise de toute l'attention que le rendez-vous a attiré… En amont de la première rencontre, j’en ai parlé à quelques amis et des gens intéressés par les livres. De son côté, la librairie Firefly a fait une campagne de communication sur ses réseaux. Le jour de la réunion, nous étions environ 10 personnes. Nous avons parlé de La ferme des animaux de Georges Orwell. Nous l’avions pas tous encore lu, alors nous avons davantage parlé de ce que nous pensions de la censure de livres. En général, nous traitons d’un livre sur deux réunions, le temps que tout le monde puisse le lire. Les sessions suivantes, d’autres personnes se sont ajoutées.
Comment est né ce club de lecture ?
L'idée m’est venu après avoir vu les interdictions de livres au Texas. Le gouverneur a voulu interdire tellement d’ouvrages [liste de 800 ouvrages], la plupart sur des sujets raciaux ou sur l’identité de genre… J’ai parlé à ma mère de mon idée de lancer un club de lecture atour de ces ouvrages. Nous avons contacté la librairie de la ville, Firefly. L’équipe était totalement enthousiaste. La première réunion de notre club s’est tenue dans là bas en janvier.
Quels sont les livres sur lesquels vous échangez ?
Nous avons une liste d’attente avec les livres que nous voulons lire. Parmi eux, il y a Maus d’Art Spiegelman, mais il faut attendre un peu car c’est difficile de mettre la main dessus. Nous piochons principalement dans la liste des livres couramment interdits. Les livres déjà abordés pour l'instant sont La ferme des animaux de George Orwell, The hate u give de Angie Thomas, Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, Melissa, le nouveau titre pour George de Alex Gino…
Que vous apporte vos échanges pendant ce club de lecture ?
Par la lecture de ces livres, nous essayons de comprendre pourquoi certains ont voulu les interdire. Si je prends pour exemple The hate u give, l’ouvrage traite de beaucoup de sujets profonds sur le racisme. J'ai appris beaucoup de choses sur la discrimination et sur la compassion. Pendant une de ces réunions, nous avons beaucoup parlé de l’affaire George Floyd. Le livre est inspiré d'une expérience réelle et donne un aperçu de cela... Il est plus important de le lire et de le comprendre surtout quand nous sommes dans une petite communauté blanche. La diversité est très minime à Kutztown.
Avez-vous rencontré des réticences de la part de vos camarades ou d’autres personnes ?
Des gens de notre communauté ont fait une liste d’ouvrages à interdire au sein de notre école. Des livres sur les questions raciales ou de genre comme All Boys Aren't Blue de George Matthew Johnson. A l’aide d’une petite majorité, leur demande n’est pas passée au conseil de l’établissement. J’aurais aimé discuter de ces sujets au sein de l’école, mais ça n'arrivera jamais. Il y aurait trop de résistance de la part d’une partie de la communauté. Mes camarades ont plutôt soutenu l’idée, à l’inverse de certains adultes et de parents d’élèves. Parmi eux, une personne me décrit comme une pion politique hypersexualisée... Le club de lecture nous offre un “safe space”.
Etes-vous surprise de cette censure en 2022 ?
Notre génération est plus ouverte aux différences. Le problème est davantage au niveau des adultes. J’ai été particulièrement choquée par l’interdiction de Maus. Je l'ai lu et je ne vois pas pourquoi ils l'auraient interdit. Le sujet est profond et fonctionne comme un “eye opener”. L'effet inverse voulu par les censeurs se produit. J'ai toujours beaucoup lu de livre, environ dix par mois. Maintenant je lis surtout ceux issus des listes de censures. Il était impossible par exemple de se procurer Maus alors tout le monde est allé le chercher sur Amazon…Il y a rarement des ruptures de stock car les éditeurs relancent leurs impressions à l’annonce d'une censure. Ils se disent que les gens vont se ruer dessus.