« Hommes de bonne volonté », autrement dit, des bons gars ; « un bon Samaritain », à savoir mon sauveur ; « tendre la joue gauche », ou être un peu maso ; « le sel de la terre », soit des VIP ; « à chaque jour suffit sa peine », comprendre : « désolé, demain ! je dois partir là... » Qui ne connaît pas ces expressions ? Mais sait-on qu'elles sont tirées de l'Evangile, précisément des quatre courts textes signés Matthieu, Luc, Marc et Jean, apôtres de Jésus, et qui relatent le parcours du Nazaréen et font passer son message ?

Denis Moreau replace grâce à Nul n'est prophète en son pays ces « paroles d'évangiles aux origines de nos formules familières » dans leur contexte. Le philosophe, spécialiste de Descartes, par ailleurs chrétien et auteur d'ouvrages personnels et grand public sur la foi, est conscient que nous vivons dans un univers fortement sécularisé, voire ignorant de tout texte sacré, même de la Bible, Ancien et Nouveau Testaments confondus, quoique, avec l'héritage gréco-romain, au fondement de la culture européenne. Il est pédagogue. Sources à l'appui, Moreau non seulement analyse et explicite ces locutions avec sagacité et humour, il redéroule à l'attention du néophyte et pour le grand plaisir du clerc la vie de Jésus. De la crèche à la résurrection - de « Mettre le petit Jésus dans la crèche » (en argot, sourit au passage l'auteur, pas bégueule, c'est une intromission profane), expression relative à la mangeoire où naquit Jésus, à « Comme saint Thomas, ne croire que ce qu'on voit », qui fait référence audit incrédule qui eut besoin de voir le Christ ressuscité pour accepter son retour à la vie.

« Jeter des perles aux cochons », « Rendre à César ce qui est à César », « S'en laver les mains »... les épisodes et les paraboles foisonnent de proverbes devenus populaires. A travers l'amour des mots, Denis Moreau signe un « christianisme pour les Nuls ». Sans catéchisme. Et de signaler quand même que, au-delà des Eglises instituées, Jésus a interpellé Spinoza, Kant, Nietzsche ou Bergson, sans compter les hippies. Moreau conclut chaque fin de chapitre par des exemples littéraires ou d'actualité, de Bossuet à San Antonio en passant par Julien Green ou la chanteuse Zazie. Ils sont fous ces cathos ! « Les hommes sont nécessairement fous, ce serait un autre tour de folie de n'être pas fou » (Pascal). On était prévenu.