Difficile de parler de la musique. Certains considèrent qu’il vaut mieux se taire. Pas Karol Beffa. A sa manière, il est un surdoué. Cet enfant acteur - il est le fils de Lino Ventura dans La septième cible de Claude Pinoteau - a étudié le piano. Reçu premier à l’agrégation musicale à Normale sup, il cumule huit premiers prix au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. Il est également diplômé en histoire, en anglais, en philosophie et en mathématiques. Tout naturellement, après une thèse sur les Etudes pour piano de Ligeti, compositeur auquel il a consacré une biographie en 2016 chez Fayard, il devait se retrouver au Collège de France. Ce fut chose faite en 2012-2013 dans le cadre de la chaire annuelle de création artistique.
Ce sont les sept leçons données dans ce cadre qui constituent la matière de cet essai. Disons-le d’emblée, Karol Beffa se démarque par un ton qui n’est pas doctrinal. En bon pédagogue, il aborde des questions très concrètes et on peut même en se rendant sur le site Parlercomposerjouer.com écouter les extraits des cinquante-deux œuvres citées en exemple.
C’est donc hors de la partition convenue du cours magistral qu’il aborde son thème. Comment parler simplement de musique, comment accompagner un film muet - ce qu’il a fait de nombreuses fois comme avant lui Chostakovitch -, qu’en est-il de la notion d’imposture dans laquelle il applique à la musique la notion de "plagiat par anticipation" développée par Pierre Bayard pour la littérature.
Dans ces leçons lumineuses, Karol Beffa évoque Bach, Beethoven, Chopin, le facétieux Ligeti, mais aussi le jazz ou bien le groupe électro allemand Kraftwerk. Surtout, on sent dans cette volonté de transmettre un besoin de rompre avec le discours fumeux de quelques musicologues et un besoin de casser le mur entre musique savante et musique populaire. Il explique combien Russians de Sting doit à Prokofiev tout comme Lemon Incest de Gainsbourg emprunte à Chopin. Il nous montre aussi l’humour d’un Boulez qui n’était pas dupe des prétentions d’un Xenakis. "Aux compositeurs, il dit qu’il est mathématicien, aux mathématiciens qu’il est architecte, aux architectes qu’il est compositeur."
Bref, parler musique revient d’abord à avoir envie de l’écouter. Et c’est bien ce qui se passe ici. L. L.