Le mélèze et le sapin. Dans une note placée en fin de volume, Paolo Cognetti nous explique quelles furent les sources d'inspiration de son nouveau roman, En bas dans la vallée. Du côté des écrivains, Flannery O'Connor ou Raymond Carver, dont une citation extraite de « La bourse » est placée en épigraphe. Il cite également « Le combat des arbres » (« Cad goddeu »), poème attribué au barde gallois Taliesin (VIe siècle), dont il nous offre une adaptation en guise de chapitre VI. Et puis, surtout, il y a Nebraska, l'un des plus beaux albums de Bruce Springsteen, le sixième, sorti en septembre 1982, après le succès planétaire de The River. Nebraska a été enregistré à la maison, Springsteen jouant seul de tous les instruments minimaux. C'est un disque très roots, qui parle entre autres de la nature retrouvée et d'une maison paternelle. Paolo Cognetti, qui était tout gosse en 1982, se souvient avoir écouté Nebraska par la suite des centaines de fois, jusqu'à en user la bande magnétique de sa cassette. Tout ceci n'a rien d'anecdotique et situe bien ses intentions pour En bas dans la vallée : écrire un roman alpin, qui se passe non loin d'Aoste, au pied du mont Rose, presque à la frontière suisse. La microrégion, isolée, s'appelle Valsesia, du nom de la petite rivière Sesia, qui y coule. Cognetti vit là, c'est son Nebraska.
C'est d'abord une histoire de chiens sauvages. Une petite chienne blanche et son amoureux, une espèce de grand chien gris qui ressemble à un loup. Les deux s'enfuient, et le mâle tue tous les autres chiens qui tentent de s'approcher de son amie. Il mourra sous les tirs d'un chasseur du village, abruti d'alcool. L'alcool, c'est aussi le plus grave problème des frères Balma, dont l'aîné, Luigi, né en 1957, serait le héros du roman s'il n'était pas instable et en proie aux démons de la boisson. Dans ces cas-là, il laisse sa femme Elisabetta, enceinte d'une petite fille, dormir seule. Lui s'en va coucher dans les bois ou dans une cabane. Il est policier des forêts pour l'équivalent italien de l'ONF. Un beau boulot, qui lui correspond bien. Le cadet, Alfredo dit Fredo, est une tête brûlée. Ivrogne, bagarreur, parti au Canada après avoir fait de la prison. Leur père étant mort - atteint d'un cancer incurable, l'ancien braconnier qui « tirait sur tout ce qui respire » s'est flingué d'un coup de fusil-, Fredo est de retour, juste pour le partage de l'héritage devant le notaire : la bicoque délabrée de Fontana Fredda, où habitait le vieux. Il y avait planté un mélèze à la naissance de son aîné, et un sapin pour son cadet. Luigi veut racheter pour cinq millions de lires la part de Fredo. Lequel apprend qu'une station de ski est en projet dans la vallée, avec une remontée mécanique, et que leur terrain pourrait devenir un pactole. Luigi voudrait-il le rouler ? Un conflit fratricide va-t-il éclater ? On ne dévoilera pas ici la fin de ce suspense en creux, étouffant, sans dialogues, aux repères temporels imprécis, où il ne se passe pas grand-chose au final, mais où la tension est permanente et peut dégénérer à chaque instant. L'incorrigible Fredo le prouvera à sa façon, sauvage.
En bas dans la vallée
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Tirage: 15 000 ex.
Prix: 18,90 € ; 160 p.
ISBN: 9782234096929