Un album biographique par Nicole Bertolt au Cherche Midi, une adaptation cinématographique de L'écume des jours par Michel Gondry, un numéro spécial de la revue L'Atelier du roman et une BD (parus avant l'été), une biographie pour les jeunes de Claire Mazard (Oskar Jeunesse, 21 septembre) et une exposition à Landemer, Boris Vian est de nouveau à l'affiche.
D'où viens-tu Boris ? paraîtra le 24 septembre au Cherche Midi. C'est le premier d'une série de trois albums, pilotés par Nicole Bertolt, directrice de la Fond'Action Boris Vian depuis 1980, et illustrés de nombreux documents. "J'ai pioché dans ma mémoire... et dans les archives de la fondation, dans les coffres des banques, mais surtout j'ai travaillé avec la famille", raconte Nicole Bertolt. Avec l'aide de Patrick Vian, le fils de Boris, et des nièces de l'écrivain, Muriel (fille de son frère, Alain Vian) et Joëlle (fille de sa soeur, Ninon Vian, décédée en 2005), qui "ont contribué à reconstituer l'histoire de la famille, et ont permis de mettre des noms sur les photos", elle a exhumé manuscrits, clichés mais aussi agendas, correspondances et autres documents précieux (voir encadré). "J'ai écrit Post-scriptum, paru en 2011 au Cherche Midi, mais les deux livres ne se ressemblent pas, explique-t-elle. A chaque fois, on trouve des inédits, des photos, des actes, des lettres, des coupures de presse. J'ai voulu reprendre les travaux d'Ursula Vian et de Noël Arnaud pour des ouvrages qui sont aujourd'hui épuisés comme Images de Boris Vian ou les revues Obliques et Bizarre ».
Toujours disponibles en poche
"Mon travail pour la fondation n'a pas changé. Je continue de faire les choses avec le coeur et si possible avec bon sens, en respectant l'esprit de Boris Vian. Ce qui a changé, c'est la notoriété de l'oeuvre", précise Nicole Bertolt, qui avoue que la tâche est désormais plus lourde et les méthodes de travail bien différentes. "Avec Ursula, nous travaillions dans la confiance et nous prêtions les originaux et les photos. Désormais, certains manuscrits sont à la Bibliothèque nationale de France et le reste est au coffre, car ils valent beaucoup d'argent. Nous avons dû nous organiser et je suis aidée par Christelle Gonzalo." Depuis le décès, en janvier 2010, d'Ursula Vian-Kübler, seconde femme de l'écrivain, Nicole Bertolt est "la représentante attitrée de la cohérie" et gère l'oeuvre avec les trois héritiers, Patrick Vian, Monsieur d'Déé, président de la fondation qu'il a créée en 1981 avec Ursula Vian (reprenant le flambeau de l'association Les Amis de Boris Vian, créée en 1959), et Michèle Vian-Léglise, la première femme de l'auteur de J'irai cracher sur vos tombes, avec toujours la même mission : "organiser le patrimoine".
La Fond'Action Boris Vian (1) n'a pas chômé. Ursula Vian, le Collège de 'Pataphysique et les éditeurs de Boris Vian avaient planifié éditions et rééditions des textes, d'abord publiés chez Pauvert puis par Christian Bourgois en 10/18, repris en 2005 au Livre de poche, répondant à un "objectif fondamental : que les livres soient toujours disponibles en poche". Cette édition sous de nouvelles couvertures, illustrées par des objets de Boris - un tank, un petit canard, un dragon -, toujours exposés sur les étagères de son appartement à la cité Véron (qui héberge la fondation), comprend aussi chansons, poésies, pièces de théâtre et autres textes. Parallèlement, Fayard, qui a acquis le fonds Pauvert, a publié de 1999 à 2003 quinze volumes des oeuvres complètes (à l'exception de deux comédies musicales publiées en 2009 au Livre de poche). Et Delcourt décline son oeuvre en bandes dessinées : après L'écume des jours, adapté par Jean-David Morvan et illustré par Marion Mousse, paru en mai, l'éditeur annonce celle de L'arrache-coeur en 2013.
D'un auteur pour adolescents - qu'il reste toujours -, Boris Vian a conquis, cinquante-trois ans après sa mort, un statut d'écrivain pleinement reconnu dans le monde entier. Pour preuve ? La grande exposition que lui a consacrée en 2011 la BNF, qui possède désormais les manuscrits des titres écrits entre 1940 et 1950, et cédés par Michèle Vian ; et l'édition en 2010 dirigée par Marc Lapprand de deux volumes de romans en "Pléiade" (2), riches d'un appareil critique très fouillé de 450 pages. "Fayard a aussi fait un énorme travail à l'international, et l'oeuvre est traduite partout en permanence. Il y a entre trente et quarante pays qui publient Boris Vian aujourd'hui", ajoute Nicole Bertolt. La vogue est telle que la fondation a recensé près de quatre-vingts événements pour la seule année 2011 (représentation salle Pleyel à Paris, double CD et des dizaines de spectacles, pièces de théâtre et autres manifestations en France et dans le monde). "C'est un crève-coeur de savoir qu'Ursula n'ait pas vu tout ça...", regrette Nicole Bertolt, qui fait partie de la "famille Vian" depuis 1976.
Adaptations pour le cinéma
Le "Satrape transcendant" a aussi conquis le grand écran. Réalisateur à l'univers fantasque très "vianesque", Michel Gondry vient d'adapter L'écume des jours avec Romain Duris dans le rôle de Colin, Audrey Tautou dans celui de Chloé, Gad Elmaleh et Omar Sy. Le film est annoncé pour le 10 avril 2013, et le tournage - pour lequel Nicole Bertolt a été conseillère artistique - s'est terminé le 21 juillet. "Michel Gondry a fait un travail remarquable : tout y est. La distribution est exceptionnelle et tout le monde s'est investi dans le projet", souligne-t-elle. Parallèlement, l'adaptation de L'arrache-coeur par une production hongroise vient d'être signée. Tandis que des projets de films d'animation - les adaptations de L'automne à Pékin et de Et on tuera tous les affreux (publié sous le pseudonyme de Vernon Sullivan) - sont en cours de discussion.
Nicole Bertolt a aussi conçu et scénographié l'exposition au manoir du Tourp, à Landemer (où se trouvait la maison d'enfance de Boris Vian), qui aura lieu du 6 octobre au 23 décembre. Le livre publié par Le Cherche Midi servira de catalogue. Elle déborde de projets et rêve d'un "Boris par Boris", composé d'articles écrits par l'écrivain, d'un "Vian et la 'Pataphysique", d'un "Vian et Prévert à la cité Véron" avec Jean-Paul Liégeois, d'un album sur les chansons dont elle a retrouvé les manuscrits. "L'oeuvre de Vian n'a pas vieilli et reste marquée par la contestation et la subversion, y compris dans les romans de la façon la plus subtile. C'est ce qui fait sa séduction et sa longévité. Je redonne en travaillant pour la fondation ce que la famille m'a donné. Je suis satisfaite car j'ai suivi la volonté d'Ursula Vian. Tout cela ne m'appartient pas, je me contente de le mettre à la disposition du public », conclut celle qui porte aussi le titre de "Commanderesse exquise de l'ordre de la Grande Gidouille" du Collège de 'Pataphysique. En 2029, l'oeuvre de Boris Vian tombera dans le domaine public (à l'exception de la musique) : elle a encore quelques années pour mener à bien tous ces projets.
(1) Outre l'appartement et une salle "pluridisciplinaire" à la cité Véron à Paris, la fondation possède un deuxième centre, à Eus, dans les Pyrénées-Orientales, où a lieu le festival Pablo Casals, proposant expositions, spectacles et performances, et ateliers d'artistes.
(2) Voir "Vian en poupe", dans LH 836, du 8.10.2010.