Fondatrice et directrice de Textuel depuis 1994,Marianne Théry revient sur les 20 ans d’existencede sa maison.

M. T. - On ne peut que s’enchanter d’être encore vivant ! Mais, avec le recul, je me rends compte que 20 ans, pour un éditeur, c’est très jeune : je mesure à quel point il est long de constituer un catalogue. J’espère surtout que nous avons gardé le côté rock’n’roll du projet initial. Nous sommes une maison d’édition engagée et je n’ai pas bougé d’un millimètre là-dessus. Il faut dire que le contexte global d’aujourd’hui nous encourage dans cette voie. Comme son nom l’indique, Textuel s’intéresse au texte, et nous cherchons toujours des penseurs critiques pour décrypter notre époque encore plus injuste.

Nous faisons de l’anti-beau livre ou, plus précisément, de l’anti-"coffee table book". Nous ne voulions pas faire de l’histoire de l’art car d’autres maisons le faisaient déjà très bien. Nous avons pris le parti d’être l’éditeur des beaux livres des autres rayons : celui de la musique, de la littérature, de la danse et des arts de la scène, de la photographie… L’idée est de mettre en avant des artistes contemporains, ce qui nous permet de créer des partenariats avec des maisons à l’étranger, comme Thames & Hudson en Grande-Bretagne ou Aperture aux Etats-Unis. Je pense aussi que, contrairement à d’autres maisons françaises, nos beaux livres ne forment pas une collection. Pour chaque titre, nous repensons tout à partir de zéro : le format, le papier, le design… Si bien que chaque ouvrage est une double création, éditoriale et graphique.

Ce qui a le plus changé, c’est la perception des prix. A nos débuts, un beau livre qui vaut 47 euros aujourd’hui était qualifié de populaire. Le prix psychologique du beau livre a chuté et beaucoup d’éditeurs produisent des ouvrages à 30 euros. Ils créent une fausse économie avec ce prix absurde.

Je remarque également une surproduction étouffante, sans doute due à l’explosion de certains rayons comme le pratique, la cuisine ou les arts de vivre. Je suis très vigilante à ne pas céder à la tentation de la surproduction. Nous publions environ 25 livres par an, notre volonté est de publier peu mais bien. L’idée est aussi de prendre des risques.

Textuel organise du 1er au 4 décembre une session de rencontres et d’expositions à la librairie Mollat de Bordeaux, en présence de Laurent Balandras (à propos de Gainsbourg), Jean-Louis Cohen (Le Corbusier), Rudy Ricciotti et Harry Gruyaert.

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