Pierre et Hélène se sont mariés "par hasard". Ils le sont restés "par égoïsme et comme par indolence". Bientôt quarante ans d'union. Quarante ans côte à côte plutôt qu'ensemble. Madame passe désormais le plus clair de son temps dans leur maison du golfe du Morbihan, à Conleau, près de Vannes. Elle y reste alanguie "à jouer du piano, lire et prendre des airs". Pierre, lui, travaille à La Défense, où on lui donne du "Monsieur le Président", à la tête d'affaires héritées de son beau-père.
Le couple n'a plus que deux enfants depuis que l'aîné, Alain, s'est noyé avec son épagneul, Bob. Problème, Pierre a envie de prendre sa retraite, de vendre ses affaires. Le narrateur du nouveau roman de Stéphane Hoffmann compte bien en effet vivre sa vieillesse "comme une ardente aventure". Ce que son épouse voit d'un très mauvais oeil puisque, pour elle, "la place d'un homme, c'est dehors" !
Il faut reconnaître qu'Hélène n'est pas vraiment une câline. Plutôt une de ces femmes "avec lesquelles on doit toujours être sur ses gardes". Capable de vous planter en plein dîner dans un charmant Relais & Châteaux "très britiche »... De retour en Bretagne, Pierre se concocte pourtant un programme réjouissant. Champagne tous les jours à 19 heures. Havane après le repas. Balade en vélo. Plongée dans les livres qu'il a aimés. Pour lui, "un livre doit avoir un arôme, du nez, des parfums, du fumet. Comme un fromage. Comme un vin, une viande, du foin coupé ou du réséda, si vous préférez : un livre doit d'abord sentir. Puis, faire ressentir".
Celui de l'auteur des Garçons qui tremblent (Albin Michel, 2008) est une comédie particulièrement corrosive et mordante sur la bourgeoisie de province et sur le mariage. Son héros se montre formel sur le sujet, qui lui évoque un tour en autos tamponneuses. "C'est inconfortable, on prend des coups, on en donne, on tourne en rond, on ne va nulle part mais, au moins, on n'est pas seul." Une chose est sûre : on ne s'y ennuie pas une seconde !