Avant-critique Essai

Nicolas Grimal, "L'archéologue et le diplomate" (Les Belles Lettres)

Nicolas Grimal - Photo © DR/Les Belles Lettres

Nicolas Grimal, "L'archéologue et le diplomate" (Les Belles Lettres)

Éminent égyptologue, Nicolas Grimal retrace l'histoire des rapports entre l'archéologie et la diplomatie françaises depuis Napoléon.

Parution 5 mars

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Par Jean-Claude Perrier
Créé le 02.03.2025 à 11h00

La truelle et le pinceau. Bon sang ne saurait mentir, comme dit l'adage. Nicolas Grimal, né en 1948, est le fils de Pierre Grimal, qui fut l'un des plus grands latinistes de notre temps, et le frère cadet du sanskritiste François Grimal, longtemps membre de l'École française d'Extrême-Orient de -Pondichéry. Brillant sujet, -Nicolas -Grimal est devenu égyptologue, discipline où il a mené un parcours impeccable : élève puis directeur de l'Institut français d'archéologie orientale du Caire, professeur à la -Sorbonne, titulaire durant vingt ans, au Collège de France, de la chaire d'égyptologie (créée pour Champollion en personne), membre puis secrétaire perpétuel, depuis 2022, de l'Académie des inscriptions et belles-lettres au sein de l'Institut de France... Mais son plaisir est de continuer à fouiller sur le site magique de Byblos, au Liban, ville phénicienne qui entretenait des liens étroits avec l'Égypte des pharaons.

Au long de sa carrière, Nicolas Grimal a pu connaître et pratiquer l'une des spécialités du soft power à la française, la diplomatie archéologique. Une notion que nous avons inventée, dès les débuts de « l'étude des cultures anciennes » et de l'orientalisme, où la France a été, rappelle-t-il, « pionnière ». Le concept remonte au jeune général Bonaparte entreprenant, en 1798, sa fameuse campagne d'Égypte − un bilan mitigé du point de vue militaire, éclatant du point de vue culturel. Pour la première fois, des scientifiques de haut niveau, dont les premiers passionnés de l'Égypte antique, encore terra incognita, étaient invités à se joindre aux soldats.

Cette pratique s'est perpétuée en temps de paix : le général de Gaulle l'a adoptée, sur les conseils de son « M. Archéologie » Henri Seyrig. Aujourd'hui, on pense au projet Al-Ula en Arabie saoudite dans lequel la France joue un rôle majeur, sous la houlette de Jean-Yves Le Drian, ancien ministre des Affaires étrangères. Lequel ministère occupe une place centrale dans notre dispositif archéologique, grâce à sa Commission consultative des recherches archéologiques françaises à l'étranger. Le Quai d'Orsay, en lien avec le CNRS, et en collaboration avec les ministères de la Culture et de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, pilote cent soixante missions sur cinq continents (dont trente-cinq au Proche- et au Moyen-Orient), en fonction des aléas politiques : par exemple, le dernier chantier français en Algérie, à Lambèse, s'est achevé en 2020.

À la fin de son essai passionnant, à la fois historique et très actuel, Nicolas Grimal traite des ravages causés par l'État islamique, au nom de son jihad tous azimuts, au patrimoine préislamique des pays où il sévit. Les ruines de Palmyre, la ville ancienne de Mossoul, entre autres, en ont fait les frais. Saccages, mais aussi pillages : les fanatiques ont pour habitude de monnayer sur le marché international des œuvres volées sur sites ou dans les musées. D'éminentes institutions ont ainsi pu être victimes de réseaux de trafic d'œuvres d'art, comme le Louvre Abu Dhabi, en 2016. Des antidotes existent : la formation des archéologues, la prévention, ainsi que l'ALIPH (Alliance internationale pour la protection du patrimoine), dont les chantiers vont hélas croissant, de l'Ukraine à l'Afrique, en passant par le Proche-Orient. Rien que pour la Syrie, la tâche est colossale.

Nicolas Grimal
L'archéologue et le diplomate
Les Belles Lettres
Tirage: NC
Prix: 23 € ; 204 p.
ISBN: 9782251456621

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