Une vox populi qui récuse, proteste et s'exprime par l'image. C'est le principe qui a guidé Zvonimir Novak pour cette histoire visuelle des élections et leurs contestations. Ce professeur d'arts appliqués a déjà consacré des ouvrages aux autocollants et aux tracts politiques. Il sait donc comment fonctionne la mécanique des campagnes électorales. Spécialiste de l'imagerie militante, Zvonimir Novak nous propose de visiter ce musée moqueur en compagnie de Daumier, Eugène Petit, Siné, Reiser et quelques oubliés aux traits décapants qui ont apporté leur contribution à cette saga visuelle contestataire.

On retrouvera dans ce catalogue de la déroute électorale et de l'impertinence républicaine les grands classiques de Mai-68, la candidature de Coluche à la présidentielle, mais aussi des affiches moins connues du XIX^e siècle où l'objection de conscience civique s'étalait sur les murs et dans la presse. Un petit parfum anarchiste se dégage de cette enquête très sérieuse où l'on redécouvre quelques perles de tous ces déçus du suffrage universel qui nous incitent à réfléchir sur le sens de l'actuelle désertion des urnes. « L'histoire électorale a souvent été décrite d'un seul point de vue, celui des élites dirigeantes, bardées de certitudes et grassement nourries par l'État. »

Zvonimir Novak se défend toutefois d'avoir bâti un plaidoyer abstentionniste, l'anti-vote n'étant pas l'antidote à la démocratie confisquée. Il évoque ainsi les campagnes de ceux qui appellent au devoir citoyen, « luttent désespérément contre la mauvaise graine et l'incivisme » et rappellent que ne pas choisir c'est prendre le risque de laisser les autres le faire à sa place. Cette histoire électorale à rebrousse-poil, du côté de ceux qui ne votent pas et qui expliquent pourquoi, détournent les slogans et tournent en ridicule les bulletins vaut surtout pour ses illustrations décryptées, ses affiches quasiment publicitaires destinées à séduire un public féminin avec profil avantageux et sourire Gibbs, tout comme les gadgets produits pour les candidats comme le canif du Parti communiste, la pochette d'allumettes Charles Hernu, le porte-clés Jean Lecanuet ou le préservatif des Jeunes Républicains avec cette inscription : « merci pour ce moment ».