Sam Simoneaux a grandi dans une ferme. Agé de 23 ans, le héros de Tim Gautreaux n’a pas connu son père qui a eu le temps de lui sauver la vie avant de mourir sous les balles de ses assassins. Il a ensuite été élevé par son oncle qui cultivait des patates douces. En novembre 1918, il embarque sur un navire qui l’amène en France et doit accoster à Saint-Nazaire. Ce garçon dont le point fort est la patience part avec son ami Melvin Robicheaux, originaire comme lui de Louisiane. Avec son peloton, sa première mission consiste à garder un dispensaire de produits narcotiques puis à nettoyer un champ de bataille, à faire exploser les pièces d’artillerie allemandes les plus dangereuses.
Sam est inconsolable de la mort de son fils de deux ans, emporté par la fièvre. En France, il découvre les ruines, imagine les combats. Il croise une fillette à la main blessée qui a perdu toute sa famille et qui le surnomme Mr Lucky parce qu’il est arrivé ici après la signature de l’Armistice et est passé à travers la guerre. Nous le retrouvons ensuite en 1921, responsable d’étage dans un grand magasin à la Nouvelle-Orléans. Sam, que son bref séjour en France a convaincu que "la vie présente à chaque carrefour de nouvelles tragédies", est assommé dans une cabine d’essayage et plonge dans le coma, sans réussir à empêcher l’enlèvement d’une petite fille de trois ans et demi, Lily Weller. Mis à la porte, Sam trouve un autre emploi. Il travaille alors sur un bateau à vapeur, moyennant soixante dollars par mois, en qualité de troisième lieutenant. Et le lecteur n’a encore rien vu !
Déjà très impressionnant dans Le dernier arbre (Seuil, 2013), Tim Gautreaux s’impose plus encore ici comme un conteur de premier plan. Impossible de ne pas suivre Sam Simoneaux qui trimballe un lourd fardeau le long du Mississippi. L’ample roman de l’Américain rappelle à la fois Mark Twain et Harry Crews. Formidable réflexion sur le poids de la faute, le pardon et la rédemption, Nos disparus ne s’oublie pas.
Al. F.
