Ce lundi 6 octobre, le groupe Les Nouveaux Éditeurs a dévoilé le nom de sa maison d’édition de bande dessinée généraliste : Morgen. Lancée en juin dernier, la maison est dirigée par Sullivan Rouaud, Thomas Ragon, Arthur Huignard et Victorine Gay. Les premiers titres paraîtront dès janvier 2026, avec Train de nuit dans la voie lactée d’Adrien Demont et Terre ou Lune de Jade Khoo.

Après La Tribu, Maison Pop, Les Léonides, La Doux et Point Némo, c’est au tour de la bande dessinée de trouver sa place dans le groupe fondé en 2024 par l’ancien directeur général d’Hachette Livre, Arnaud Nourry.

Une maison généraliste ouverte sur le monde

« Notre ligne est très simple : être un éditeur de bande dessinée généraliste », confie Thomas Ragon, ancien éditeur chez Dargaud et fondateur du département bande dessinée du Seuil, rencontré avec Arthur Huignard dans les nouveaux locaux du groupe au 60 rue Saint André des Arts, dans le VI^e arrondissement de Paris.

La maison revendique une approche large du 9^e art : « On couvre tout le champ de la bande dessinée, du manga d’auteur à la fiction, du roman graphique à la BD très classique. On travaille déjà avec des auteurs allemands, américains, anglais, japonais… On veut une maison vraiment internationale », développent les deux éditeurs.

Concernant le futur catalogue, les fondateurs ne se ferment aucune porte : « Il y aura des auteurs très connus, comme Blutch ou David B., mais aussi d’autres qui n’ont même pas 20 ans », explique Arthur Huignard, ancien chef de produit marketing chez Dargaud et assistant éditorial chez Urban Comics.

Pour la rentrée, Jade Khoo, autrice de Zoc (Dargaud, 2022), publiera avec Terre ou Lune son deuxième ouvrage, tandis qu’Adrien Demont, lui, compte déjà une petite dizaine de livres à son actif.

Si la bande dessinée demeure le cœur du catalogue, Morgen ne s’interdit pas quelques échappées vers le livre illustré. Parmi les premiers projets figure, entre autres, un ouvrage sur le procès Pelicot, porté par une autrice qui mêle ses textes à ses croquis d’audience : « Il y a du dessin, mais c’est avant tout une mise en perspective de ce que le procès lui a fait vivre en tant que femme » développe Thomas Ragon.

Redonner du temps aux auteurs

La maison se donne une règle claire : 13 titres la première année, soit un par mois : « On connaît le marché et la surproduction : l’idée, c’est de ne pas rajouter un rempart de plus. On veut rester à taille humaine, ne pas dépasser cinquante titres par an » souligne Thomas Ragon

Cet équilibre est au cœur de la philosophie de Morgen : « Quand on sort six livres dans le même mois, on ne peut pas les défendre tous. On veut garder de l’énergie pour chacun », développe Arthur Huignard.

Dans un contexte social de plus en plus tendu dans le milieu, comme en témoigne la relance des États généraux de la bande dessinée en septembre dernier, les éditeurs espèrent être à la hauteur : « Payer les auteurs quand ils font des dédicaces, par exemple, c’est normal. Cela nous oblige aussi à être plus responsables de ce que l’on demande à nos auteurs, à ne pas accepter tout et n’importe quoi », ajoutent-ils.

Un collectif d’expérience et d’enthousiasme

Les quatre fondateurs partagent une même volonté de réinventer leur métier. « On a tous connu des mécaniques de groupe où l’éditeur devenait un gestionnaire de chiffres », raconte Thomas Ragon. « On veut retrouver la relation directe avec les auteurs, ce dialogue qui fait qu’un livre prend forme et sens. »

L’équipe travaille à quatre mains, chacun apportant son expérience éditoriale et son regard sur la création. « Ce qui est galvanisant, c’est de démarrer une aventure avec des gens qui savent ce qu’ils font. On n’est plus les jeunes premiers, on a de l’enthousiasme, mais aussi du recul. On sait ce qu’on veut construire. » confie l'ancien éditeur du Seuil.

Une structure légère et un groupe à l’écoute

Chez Les Nouveaux Éditeurs, dirigés par Arnaud Nourry et son fils Ugo Nourry, les deux éditeurs saluent « un cadre souple et un soutien assumé » : « Arnaud et Ugo affirment depuis des mois qu’ils sont là pour aider les éditeurs, et c’est vrai. Le moindre problème trouve une solution en dix minutes. On nous écoute, on nous fait confiance » constate Arthur Huignard.

Arnaud Nourry, président-directeur général des Nouveaux Éditeurs, a d’ailleurs tenu à saluer cette arrivée en ces termes : « Sullivan et Thomas ont fortement contribué à faire évoluer le marché de la BD par leur audace créative, leur capacité à capter l’air du temps et leur proximité avec leurs auteurs. Je me réjouis qu’ils aient choisi de faire équipe et de nous rejoindre pour créer ex nihilo une maison qui, grâce à leur talent et leur énergie, ne devrait pas tarder à faire de LNE un des grands acteurs du secteur. »

Sérénité et ambition

Avec un planning 2026 déjà bouclé et 2027 en voie de l’être, Morgen avance à son rythme : « On ne se met pas la pression. Le soir, si quelque chose n’est pas fait, ce n’est pas grave. On apprend à ne plus stresser » se réjouit Arthur Huignard

L’équipe refuse la course à la croissance : « Dans deux ans, on aura sans doute un peu plus de titres, peut-être une ou deux personnes de plus dans l’équipe mais rien de mirobolant. On veut être une belle maison où les auteurs ont envie de venir, et où les livres marchent parce qu’ils ont été accompagnés correctement. »

Une vision européenne de la bande dessinée

Le choix du nom n’est pas anodin. « Morgen sonne bien dans toutes les langues. Et puis, c’est un mot européen, compris par à peu près tout le monde et facile à prononcer partout » expliquent les éditeurs. 

Pour les fondateurs, l’Europe est aujourd’hui le véritable carrefour du 9^e art : « On parle beaucoup du manga et des comics, mais l’endroit où les auteurs se croisent et où les choses avancent, c’est en Europe », conclut Thomas Ragon.