16 septembre > Essai France

Dans un monde où l’on nous incite à d’abord penser à soi, faut-il penser aux autres ? On aurait évidemment envie de répondre oui. D’autant que penser aux autres, c’est encore le faire par rapport à soi. Pour montrer que l’on pouvait faire ce pas, Auguste Comte inventa le mot "altruisme" au XIXe siècle et proposa cette formule : nous devons "vivre pour autrui" parce que nous "vivons par autrui". Ce n’est pourtant pas si simple, comme l’explique Dominique Lecourt avec ce petit livre incisif dans lequel il n’hésite pas à se raconter.

Elève d’Althusser et de Canguilhem, il propose un tour philosophique de la question de l’égoïsme. Avec des exemples concrets puisés dans les faits divers, l’économie, la politique ou les comportements quotidiens, il constate la difficulté à se séparer de soi. Il observe aussi avec désespoir ces jeunes gens partis faire le djihad pour soi-disant combattre un monde individualiste qui ne leur apporte plus rien et qu’ils veulent détruire. "Leur crise n’est qu’une réplique de la nôtre ; ou plutôt une réplique à la nôtre et à celle de leurs parents."

Philosophe des sciences réputé, Dominique Lecourt distingue deux visages dans ce qui s’apparente plus à un comportement qu’à une doctrine : le trivial égoïsme de compétition favorisé par l’ultra libéralisme, la consommation, le bien-être, et le désespérant égoïsme d’indifférence auquel ont échappé les héros du Thalys.

Idolâtrie de soi, égotisme et narcissisme sont ici finement analysés. Sans hypocrisie, Dominique Lecourt ouvre la voie vers un égoïsme maîtrisé comme solution dans une société où règne l’individualisme mais qui, paradoxalement, continue de valoriser les discours altruistes. Laurent Lemire

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