Pour fuir le tourbillon du siècle, on peut parfois souhaiter prendre du recul, faire fi de ses contemporains, se tourner vers certaines figures du passé susceptibles d'éclairer notre présent, tels des génies tutélaires... Les panthéons sont faits pour ça. L'officiel, surtout le personnel. À travers Mes aventuriers excentriques, Michel de Grèce rend hommage à ses héros et héroïnes qui l'ont inspiré dans la vie comme dans son écriture. Hommage et justice, car nombre de ces personnages hauts en couleur ont été incompris ou injustement mal aimés. Louis-Philippe, roi des Français (et non de France, puisque l'« anglomane » se voulut monarque constitutionnel) n'est pas d'emblée celui que ces dits Français retiennent avec affection ou admiration particulières.

Mais l'auteur de romans historiques le voit autrement. Outre que c'est un ancêtre - quatre de ses arrière-grands-parents sont les petits-enfants de Louis-Philippe -, Michel de Grèce rappelle l'esprit plutôt moderne de ce prince, digne fils de son père, le duc d'Orléans, dit Philippe Égalité, qui vota la mort de son cousin Louis XVI. Sous l'image falote du « roi bourgeois » se révèle ici un aspect plus épique : lors de son exil en Amérique, Louis- Philippe eut une maîtresse à La Nouvelle- Orléans, ancienne esclave noire et pratiquante du vaudou. La petite-fille de celle-ci, Marie Laveau, elle aussi prêtresse de cette religion aux racines africaines, prédisait l'avenir et augura une société métisse à venir, puisqu'elle et son compagnon français bravèrent les conventions en vivant en ménage.

Ses « trois idoles fêlées » sont Sissi, l'impératrice d'Autriche-Hongrie, si belle que, d'après une anecdote du grand-père de l'auteur (le roi Georges de Grèce), un pêcheur de Corfou l'eût prise pour la sainte Vierge ; le fils de Sissi, l'archiduc Rodolphe, victime d'un assassinat politique plutôt qu'acteur d'un double suicide romantique ; Ludwig de Bavière promoteur fou de Wagner. Mais aussi le dernier Grand Moghol Shah Bahadur II ; l'aviateur hongrois László Almásy, modèle du Patient anglais de Michael Ondaatje ; Chajar ad-Durr la captive arménienne devenue favorite du sultan d'Égypte ; l'explorateur Percy Fawcett « mort pour l'Amazonie »... Couronnées ou pas, ce sont toujours de fortes têtes, voire des cœurs éclairés, tel le poète persan du XIII^e siècle Rûmi qui a su chanter l'union de l'esprit et de la sensualité.