Avant-critique Poésie

Michael Ondaatje, "L'année des dernières fois" (Éditions de l'Olivier)

Michael Ondaatje - Photo © Daniel Mordzinski

Michael Ondaatje, "L'année des dernières fois" (Éditions de l'Olivier)

Michael Ondaatje, l'auteur du Patient anglais, rappelle qu'il a d'abord été poète avant d'être un romancier célèbre.

Parution 8 novembre

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Par Jean-Claude Perrier
Créé le 19.11.2024 à 09h00

Poésie cubiste. Né en 1943 à Ceylan (aujourd'hui Sri Lanka) dans une famille aux origines complexes, tamoules, cinghalaises, néerlandaises, Michael Ondaatje a vite quitté son île pour l'Angleterre d'abord puis le Canada, où il s'est installé à l'âge de 19 ans. À Montréal, puis à Toronto. C'est en anglais, et dans l'univers culturel anglo-saxon, qu'il a fait son œuvre, publiant un premier livre en 1967, The Dainty Monsters, un recueil de poèmes techniquement inclassables, où se mêlaient déjà fiction, souvenirs, images, personnages rencontrés ou inventés, souvent sur le ton de la confidence...

Par la suite, Ondaatje est devenu un romancier célèbre, notamment avec Le patient anglais (Booker Prize 1992), colossal best-seller (très) adapté au cinéma par Anthony Minghella en 1996. Il a également obtenu le prix Médicis étranger en 2000 pour Le fantôme d'Anil (à L'Olivier, comme presque toute son œuvre en français). Mais il n'a pas renoncé pour autant à ses premières amours, cette veine poétique très personnelle et toujours difficile à cataloguer : collages, poésie cubiste ?

Ainsi, dans L'année des dernières fois, est-il question de souvenirs plus ou moins nets : comme cette « classe de géographie », suivie à 17 ans, « âge raisonnable » n'en déplaise à Rimbaud, moment où s'est faite son éducation littéraire et sentimentale (à travers Le verrou de Fragonard !). Mais les souvenirs et les personnages peuvent aussi être fabriqués, mêlés, comme Ondaatje le confie dans ses remerciements en fin de volume. Le personnage du Dr Skanda, par exemple, compagnon de galère au pensionnat de Winchester House, puis protagoniste du Fantôme d'Anil, est à lui seul un collage littéraire, réinventé (en prose) pour le présent livre. « Rien ne demeure figé dans une histoire », commente l'auteur.

Il est ici aussi beaucoup traité de voyages, en Italie, au Maroc, au Japon... Mais qu'on n'attende pas d'Ondaatje des carnets de route avec descriptions précises. On est plutôt dans le télescopage, l'allusion, le sfumato. Avec le temps, les souvenirs s'estompent, les couleurs passent, comme sur ces fresques de la sublime villa romaine d'Oplontis, non loin de Pompéi, dans ses ruines grandioses. Des animaux y sont représentés, dont un modeste grillon, figé par le peintre pour l'éternité depuis 79 apr. J.-C. Il avait aussi peint un squelette, sur le seuil de l'atrium : memento mori. Cela donne bien le ton de L'année des dernières fois.

Michael Ondaatje
L'année des dernières fois
Éditions de l'Olivier
Traduit de l’anglais (Canada) par Michel Lederer
Tirage: 1 300 ex.
Prix: 20,50 € ; 128 p.
ISBN: 9782823621556

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