Trump power. Gaullisme, maoïsme, thatchérisme, péronisme... D'habitude, quand un dirigeant est éponyme d'un mouvement politique ou d'une idéologie, il y a derrière tout un édifice intellectuel, étayé par des concepts, structuré par une vision. Donald Trump, 47e président des États-Unis, élu une première fois en 2017, a une idée assez claire de ce qu'il veut : le pouvoir. Hormis cette volonté de puissance affichée sans vergogne, on peine parfois à saisir sa pensée. Certes, Trump participe du grand souffle national-populiste qui entend, à l'international, balayer le multilatéralisme mis en place après la Deuxième Guerre mondiale et, sur le plan intérieur, instaurer à travers une politique antimigratoire virulente un utopique entre-soi. Repli identitaire, manière musclée peu soucieuse du droit, discours aux accents xénophobes et homophobes, antiavortement, antiwoke... Chez le milliardaire et ex-vedette de l'émission de télé-réalité The Apprentice, il y a sans conteste tous ces ingrédients qui sont le fond de sauce de l'idéologie nationaliste. Mais avec Trump, il faut toujours s'attendre à quelque surprise du chef, très peu cohérente si ce n'est par sa capacité à générer le chaos.
Dans son essai Une première histoire du trumpisme, Maya Kandel, spécialiste de politique étrangère américaine, retrace la généalogie de ce qu'il faudra quand même bien nommer par un « -isme » : le trumpisme. Elle en livre une analyse fascinante. L'autrice dresse d'abord le portrait de l'homme. « Sans tabou ni surmoi, [...] totalement désinhibé : l'emphase et le mensonge sont pour lui une seconde nature »... C'est à partir de la psychologie du héraut du mouvement Make America Great Again qu'on peut appréhender cet avatar de doctrine nationaliste au tropisme autoritaire. Or si « Trump n'est assurément pas un intellectuel » et qu'il a moult fois changé d'affiliation partidaire (républicain, un temps démocrate puis à nouveau républicain), le showman devenu politicien par mégalomanie pragmatique s'est néanmoins entouré de conseillers droits dans leurs bottes idéologiques. Durant sa première présidence, Steve Bannon, « le Leni -Riefenstahl du Tea Party », lui murmurait à l'oreille. En 2024, Trump retourne à la Maison Blanche en remportant cette fois le vote populaire, c'est-à-dire le plus grand nombre de voix − le système électoral américain permet, rappelons-le, l'élection d'un président sans forcément obtenir la majorité des suffrages. Se sont ralliés au milliardaire d'autres idéologues, les géants de la tech à la vision libertarienne dont Elon Musk a été un fer de lance tonitruant. Des laissés-pour-compte de la Rust Belt aux évangélistes intégristes en passant par des masculinistes paranoïaques tous azimuts ou les suprémacistes blancs, le trumpisme attrape avec le vinaigre de sa rhétorique haineuse toutes les mouches d'un électorat contradictoire. Emblématique de la « culture du narcissisme » théorisée dès 1979 par -Christopher Lasch, « Trump symbolise l'ère de l'ego et le règne de la politique spectacle qui caractérisent notre époque ».
Une première histoire du trumpisme
Gallimard
Tirage: NC
Prix: 19 € ; 192 p.
ISBN: 9782073102171