9 NOVEMBRE - CORRESPONDANCE France

André Malraux à son bureau.- Photo JACQUES ROBERT/GALLIMARD

A propos de ses Mémoires d'espoir, que le général de Gaulle lui avait envoyés quelques semaines avant sa mort, André Malraux lui écrit, le 24 octobre 1970 : "Vous n'avez pas d'enfance, et, au fond, il n'y a pas de Charles..." Comme le fait remarquer Jean-Yves Tadié, dans sa préface à ses Lettres choisies, 1920-1976, il n'y a pas non plus d'André. On connaît son mépris pour les biographies, ce "misérable petit tas de secrets" qui, selon lui, ne doit pas être divulgué. Qu'on n'attende pas de sa correspondance, choisie et parue, conformément à son voeu testamentaire, plus de trente ans après sa mort (le 23 novembre 1976), de confidences. "Rien ne me paraît épistolaire, je crois, sauf les idées, les choses d'ordre pratique et les éléments farfelus de la vie", écrit Malraux à Martin du Gard. Ses lettres, qui n'étaient pas prévues pour être publiées, contrairement à celles d'autres écrivains, concernent quasi exclusivement le domaine intellectuel. Elles sont riches, denses et on y trouve quand même une foule de scoops.

Malraux s'intéressait à tout, de Babar à l'art gréco-bouddhique. Il remerciait les critiques de ses livres, discutant de tel ou tel point. Il était attentif à ses correspondants, y compris à un jeune poète de 23 ans qui sollicitait son appui. De fait, un poème de Louis Pralus parut dans la NRF en 1974.

Impossible de les recenser tous. On note son admiration et son amitié pour Gide, qu'il appelle, en familier, "l'oncle André". Son demi-frère Roland fut un temps son secrétaire et l'un de ses cicérones en URSS. On apprécie sa complicité avec Roger Martin du Gard, ("mon bon oncle"), avec qui il est sans doute le plus à l'aise. Ses relations privilégiées avec les acteurs de l'histoire : le Général, à qui il avait juré allégeance, ou encore Nehru et sa fille Indira Gandhi. Parmi les anecdotes signifiantes, on le voit, en 1951, faire "parachuter" Céline chez Gallimard, ou se voir demander par Nimier, en 1947, si "un gaullisme d'extrême gauche est possible". Malraux, qui avait été ministre de l'Information, "une sorte de métier de préfet » et allait le redevenir, de la Culture, et avec quel éclat, fit semblant de le croire... Côté honneurs, le Nobel le snobe : "C'est Malraux qui aurait dû l'avoir", déclare Camus en 1957, lorsqu'il le reçoit. Malraux, qui refuse l'Académie française en 1954 (à Pagnol) et l'académie Goncourt en 1967 (à Dorgelès).

Le recueil, édité par François de Saint-Chéron, se referme, symboliquement, le 18 juin 1976, sur une lettre où Malraux parle de la mort qui vient, et de la foi qu'il n'a pas.

Parallèlement, Madeleine Malraux, née en 1914 et qui fut la troisième femme importante dans la vie de Malraux, sa compagne de 1945 à 1965, livre ses souvenirs dans Avec une légère intimité (une sorte de scrapbook paru chez Baker Street/Larousse). Vingt années exaltantes et douloureuses, voire dramatiques : Madeleine était la veuve de Roland Malraux, dont elle avait un fils, Alain. André, qui avait perdu lui-même Josette Clotis, mère de ses deux fils, Vincent et Gauthier, avait voulu reconstituer une famille. Tout en n'en supportant pas les contraintes. Pianiste de talent, Madeleine raconte son histoire avec franchise et simplicité, appuyée sur des documents inédits de ses archives personnelles. Des "petits tas de secrets", mais pas misérables : passionnants.

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