19 avril > Roman France > Pierre Cendors

Vie posthume d’Edward Markham est un livre-film (ou l’inverse), une novella tirée d’une nouvelle écrite dans le cadre d’une résidence organisée par le producteur Capricci Films et la revue So film sur le thème du fantastique. Un scénario de court-métrage, si l’on veut, mais dans sa version director’s cut, augmenté de fulgurances métaphysiques: le cinéma de Pierre Cendors, sept romans derrière lui, tout en visions, en forces primitives, en solitude essentielle, en silences inhumains, en boucles rythmiques.

Dans la suite d’Archives du vent (Le Tripode, 2015), on retrouve Egon Storm, réalisateur misanthrope mais seulement mentionné au générique de cette histoire qui imagine le dernier épisode de l’ultime saison de La quatrième dimension (The twilight zone), la série mythique des années 1960. Les "vingt-quatre minutes et cinquante-sept secondes", en comptant le célèbre générique, d’un "volet final" confié à un scénariste américain expérimenté.

Le personnage principal dont seule la voix off accompagne les images est Damon Usher, un homme de 46 ans qui quitte son boulot de "visualiseur à distance", en mission dans un complexe militaire, pour s’éloigner de tous et se dépouiller peu à peu de tout. Son errance le conduit dans une bourgade au milieu de nulle part qui abrite un radiotélescope géant, une "zone de silence" où les ondes électroniques ont été bannies pour pouvoir observer les galaxies sans interférences.

Le scénariste lui-même s’est retiré dans le désert pour écrire, seul dans un mobil-home près de Death Valley. Un décor minéral de "premier monde", d’avant les hommes. "Je ne sais pourquoi, quelque chose me dit que l’Origine ressemble au désert, à un lieu d’évapotranspiration suprême de l’être, c’est une érosion lente qui vous laisse nu, l’âme déchaussée et allant seule devant elle comme une femme de vent", note-t-il.

Le récit joue un requiem calme pour des mourants: Edward Markham, le comédien qui doit interpréter le personnage d’Usher, est malade et sait que ce sera le dernier rôle de sa carrière, une collègue du visualiseur se suicide, le scénariste meurt à l’hôpital avant d’avoir écrit le mot "Fin" sur son script, le héros s’efface dans un espace et un temps cosmiques, sans limites. Bienvenue dans La quatrième dimension : la première et la dernière.

Véronique Rossignol

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