« Ceci est le présent, une allégorie de la perte », écrit Louise Glück dans Averno, publié en 2006 aux États-Unis. « Averno » désigne un « petit lac volcanique, situé à environ 16 kilomètres de Naples en Italie. Considéré comme étant l'entrée des Enfers par les anciens Romains ». À 63 ans - elle en a aujourd'hui 78 - Louise Glück abordait le thème de la vieillesse. « Sans doute est-ce un privilège d'approcher la fin / et de continuer à croire en quelque chose. » On y retrouve des souvenirs, comme lorsque, pour prendre le métro, elle prenait toujours un livre « comme pour [se] défendre contre/ ce même monde : / tu n'es pas seul / dit le poème / dans le tunnel sombre ». On y découvre aussi des hypothèses sur l'amour : « [...] supposons que le corps nous a fait ça, / nous a fait craindre l'amour. »
Près de dix ans auparavant, en 1997, Meadowlands revisitait l'Odyssée. On y entrait par la figure de Pénélope qui, grimpant à la cime d'un arbre pour voir au loin, menaçait de tomber en secouant les branches pour attirer l'attention d'Ulysse. « [...] il ne faudrait pas / que son beau visage soit criblé / par la chute de trop nombreuses épines. » Louise Glück, à travers la figure de Pénélope, archétype propice à la catharsis, raconte les explorations, fusions, colères, séparations, manques, retrouvailles en amour : « Je suis devenue une criminelle quand je suis tombée amoureuse. / Avant ça j'étais serveuse », précise-t-elle dans « Sirène ». Quand elle décrit une rupture − « La nuit n'est pas sombre ; le monde est sombre. / Reste avec moi un peu plus longtemps »−, l'amant lui répond : « Comment puis-je savoir que tu m'aimes / tant que je ne t'ai pas vue en souffrir ? » Au poème suivant, « Le Pouvoir de Circé », elle traduit la déception : « Je suis lasse de ton monde / qui laisse l'extérieur déguiser l'intérieur. [...] Mon ami, / chaque sorcière est / pragmatique au fond ; personne ne voit l'essence s'il ne peut / affronter les limites. »
Amours, rage et clairvoyance sont réunies dans les poèmes de Louise Glück, qui dialoguent littéralement les uns avec les autres. Ainsi, par exemple, les poèmes « Le Papillon » et « Le Vœu », séparés par une centaine de pages, se répondent-ils. Page 101, elle écrit : « Regarde, un papillon. Tu as fait un vœu ? », puis page 135, comme en écho : « Tu te souviens de la fois où tu as fait ce vœu ? [...] J'ai souhaité ce que je souhaite toujours / J'ai souhaité un autre poème. »
Averno Traduit de l'anglais (États-Unis) par Marie Olivier
Gallimard
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 19 € ; 176 p.
ISBN: 9782072943980