1945. A peine adolescent, Felix Latimer a déjà tout vécu. La fin du monde. Le sien du moins, avec la mort de son père et surtout celle de sa mère qui l’oblige à quitter Bagdad que cet orphelin britannique avait fini par considérer comme son foyer. Le voilà à Jérusalem où l’attend une vague parente, Mlle Bohun, qui se propose de l’accueillir dans sa pension de famille abritant déjà une veuve juive allemande acariâtre, un vieillard très discret et un chat, Faro, qui devient vite l’unique compagnon et confident de Felix. Jérusalem est aussi triste que le cœur du jeune garçon, aussi froid que celui des pensionnaires de Mlle Bohun et de leur logeuse. Dans une ville bouleversée par l’afflux de réfugiés, de destins en transit, il en ira ainsi jusqu’à l’arrivée dans la pension et dans la vie de Felix de Mrs Ellis, veuve de guerre enceinte que la clameur du monde n’effraie pas. Felix Latimer a déjà tout vécu, mais il n’a rien connu ; il lui faudra l’apprendre. Et l’école de la vie lui sera aussi une école de l’amour.
Lorsqu’il parut en 1951 en Grande-Bretagne, A l’école de l’amour (School for love) permit à Olivia Manning, son auteure, de connaître enfin le succès. On la loua, puis on l’oublia, avant de la redécouvrir après sa mort en 1980, et même tout récemment lorsqu’une réédition américaine permit à The Oprah magazine d’en dire tout le bien qu’il convenait d’en penser. En France, hormis une édition de La fortune des armes (Nil, 2000 et 2001), sa trilogie dans les Balkans, Manning demeure ignorée. Souhaitons que cette première traduction d’A l’école de l’amour permette de réparer l’outrage. Car si ce récit de formation peut parfois paraître désuet, il est surtout cruel, politique et profondément romanesque. La grande Shirley Hazzard n’est pas si loin, Iris Murdoch non plus. Olivier Mony