Les poètes peuvent tout, même et surtout écrire des livres pour enfants. Loïc Demey, heureux auteur de Je, d'un accident ou d'amour ne déroge pas à la règle. Son Lao est un « enfant du placard ». Une expression mystérieuse que Lao a surprise dans la bouche de la maîtresse qui l'a dite à une autre maîtresse, et ensuite la rumeur l'a colportée dans toute la cour de récré, une vraie traînée de poudre. La maîtresse a également proféré cette étrange formule : « tout peut être transformé en nombre, l'âge des arbres comme la taille des fourmis. » Alors, la prenant au mot, du fond de son placard où il s'est installé pour de vrai, Lao mesure avec ses mains tout ce qui peut être mesuré. Mais dans la classe, Josua le chambre vertement : « ça ne doit pas faire beaucoup dans la tête de Lao. »

Aucune réaction chez le petit garçon, ni sourire amer, ni parole assassine, rien. Lao ne parle pas. Sa maman ne lui a pas appris, « trop occupée à son ménage et à sa tristesse ». Quand elle part à la clinique pour soigner ses larmes, Lao se promet de lui rendre son sourire qui « doit bien être quelque part, dans un tiroir ou sous le lit ». En attendant, il est sommé de consulter un « spychologue » qui lui dévoile enfin le sens crypté de la métaphore du placard. Cette histoire pourrait être un tantinet triste si le génie à la fois poétique et souriant de Loïc Demey, son goût pour la langue et son inextinguible esprit d'enfance ne l'avaient pas prise au mot, à bras-le-corps, en défaut, à revers ou à califourchon. Les douces et sobres illustrations de Clothilde Staës ajoutent encore au charme.