28 mars > nouvelles états-Unis

Pour soulager d’irrésistibles appétits (Plon, 2000, repris chez 10/18) avait révélé un jeune écrivain capable d’allier humour et gravité. Nathan Englander s’était ensuite tourné vers le roman le temps d’un opus envoûtant et sombre, Le ministère des Affaires spéciales (Plon, 2008, repris chez 10/18). Le revoici qui explore la forme courte dans Parlez-moi d’Anne Frank.

L’histoire qui donne son titre au volume permet de suivre Harry et sa femme, Debbie. Le couple reçoit des amis, Mark et Lauren. Ceux-ci vivent à Jérusalem depuis vingt ans. Ils y sont devenus hassidiques, ont eu dix filles et se font désormais appeler Yerusham et Shoshana. Mark arbore une barbe noire qui lui descend jusqu’au milieu du ventre. Lauren, elle, porte une robe informe et une perruque blonde « à la Marilyn Monroe ».

Nathan Englander- Photo ELENA SEIBERT/PLON

Debbie et Lauren se connaissent depuis leur enfance à New York, elles se sont retrouvées grâce à Facebook et à Skype. Pourquoi ne pas se laisser aller à boire et à fumer un joint avec de l’herbe trouvée dans le panier à linge du fils de 16 ans de Harry et Debbie ? Ici, on s’attachera aussi à Zvi Blum, gamin attaqué dans une école de Long Island par un « antisémite » et ses acolytes. Zvi a pourtant été déclaré « gentil » quand les rabbins ont découvert que seul son père était juif.

Peu à peu, les garçons du quartier se mettent à prendre des cours d’autodéfense avec Boris, juif et russe, qui a servi dans l’armée de Brejnev et dans l’armée israélienne. Quand il leur demande : « Vous connaissez un pays sans antisémites ? », la réponse tombe sans appel : « C’est un pays sans Juifs. » Ne pas non plus rater l’avocat Allen Fein, dont l’épouse est enceinte. En entrant dans un peep-show pour la première fois depuis l’adolescence, il tremble comme alors. Quand il entend la voix du rabbin Mann, il voudrait même bien que son analyste soit là pour le soutenir !

Nathan Englander est à son meilleur tout au long de Parlez-moi d’Anne Frank. Drôle et grave à la fois, il ne cesse de s’interroger sur la culpabilité avec une verve jamais démentie.

Al. F.


Les dernières
actualités